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Introduction andine : le Paso Agua Negra


Ecrit par Emeline

Du 10 au 16 février 2020


Mendoza – San Juan, Ruta 40. La route est quasi plate, vent favorable, bon asphalte, pas grand-chose à voir alors nous avalons les km jusqu’à Talacasto, hameau du bord de route (bar / restau et maisons abandonnées seraient plus juste comme terme).

S'élever en douceur

 

De Talasco, 125 km nous attendent jusqu’à Las Flores, porte d’entrée de l’ascension du Paso Agua Negra. Peu d’eau sur la route alors nous profitons du restau pour nous charger au max. Les pentes s’annoncent douces, un parfait échauffement pour notre prochain col.

Passées les plaines sans intérêt, nous roulons sur la route provinciale 436 et découvrons enfin du relief : d’abord des collines, puis des massifs. Le paysage prend de la hauteur tout autour de nous et les montagnes se resserrent. Nous avons l’impression d’évoluer dans un large canyon. Les falaises autour de nous sont dépourvues de végétation, ne sont que roches et pierres, les rivières sont asséchées, le sol est aride et sec, seuls quelques arbustes persistent à colorer ce paysage.

 

Nous nous arrêtons une dernière fois dans une ferme pour remplir nos gourdes. Une source d’eau chaude coule en dessous, on nous propose de nous baigner mais nous voulons avancer pour éviter les grosses chaleurs de l’après-midi.

 

Nous avançons souvent avec l’impression de ne pas savoir où passera la route : nous sommes face à un mur de roche et apercevons la courbure de l’asphalte et la suite de la route au dernier moment. Au bord de la route, sont régulièrement posés des autels et autres décorations religieuses.

 

 

 

 

Pour le soir, nous avions repéré des anciennes mines abandonnées pour poser notre tente abritée du vent. Nous les apercevons au loin… avec de l’activité. Heureusement quelques km plus loin, c’est une ancienne ferme, elle, vraiment abandonnée, qui nous accueillera pour la nuit !   

 

Le lendemain, nous continuons à nous élever en douceur dans un paysage plus ouvert, plus large. 15 km après être partis, soit environ 1h30, et après une pause snack, Olivier se rend compte qu’il a oublié ses écouteurs au bivouac… dur dilemme, redescendre à vélo ? Faire du stop ? Les laisser ? Nous continuons jusqu’à une maison abandonnée où j’attendrai avec les 2 vélos qu’il fasse l’aller/retour en stop. 30 min montre en main, voyager motorisé va plus vite qu’à la force de nos jambes !

 

Nous arrivons rapidement au col à 2600 m (et des brouettes) d’altitude. Pas de drapeaux de prière ni de pancarte mais un autel et une vue panoramique sur la chaîne de montagnes que nous allons avoir pour compagnie les jours suivants ! Je suis émue et ai des frissons : c’est beau, c'est grand et surtout..., « enfin nous y sommes ! ». Nous sommes au pied de géants de pierre qui seront nos compagnons de nos prochains mois.

 

La descente est grisante et rapide. Nous faisons une longue pause photo sur un lac asséché et repartons en direction de Las Flores.

 

Le Paso Agua Negra

 

Nous nous reposons 2 nuits dans le petit village de Las Flores. Il n’y a pas grand-chose à faire. Nous faisons des allers/retours entre les 2 épiceries du village, la panadéria (boulangerie) et notre « cabanas ».

 

Ce paso est considéré comme un col « facile », il est en partie asphalté, la pente est douce et contrairement à tous les autres grands cols routiers entre le Chili et l’Argentine, cette route suit la même vallée en une seule ascension ininterrompue. A Las Flores, 1806m, nous sommes déjà montés en altitude et ne débutons pas du niveau de la mer (comme du côté chilien où l’ascension débute à La Serena, ville côtière). Les bivouacs avant et après le col se font en dessous des 4000m, une acclimatation parfaite pour la suite du voyage.

 

Nous passons la douane argentine à la sortie de Las Flores, un nouveau tampon de sortie argentin, et chose étonnante quand on y réfléchit, nous n’aurons le tampon chilien que 2 jours après.

 

La route est un plat montant (comme j’aime les appeler : il existe donc un plat montant et un plat descendant !), nous sommes entourés de plaines arides et face à nous, cette chaîne de montagnes où nous allons nous engouffrer. Il y a peu de circulation, le peu de voitures nous double avec précaution.

 

 

Vers 14h, alors que la route commence à se frayer un chemin progressivement au milieu de la montagne, nous trouvons un coin ombragé pour manger. Nous nous élevons en altitude mais la chaleur est toujours présente. Nous sommes à 1 km de la gendarmerie argentine et à 2930m d’altitude. En référence avec l’Europe, ces altitudes sont étonnantes, mais ici elles ne représentent pas grand-chose devant l’immensité des Andes ! Le gendarme enregistre nos noms et numéros de passeport et nous donne un papier portant la date du jour ainsi que le numéro de notre passage, nous sommes donc les 37 et 38ème personnes de la journée). On nous demande également combien de temps nous pensons mettre pour arriver à la douane chilienne : « 2 nuits ».

 

A mesure que nous avançons les paysages changent. La route est toujours asphaltée et monte doucement. Nous longeons une rivière boueuse. A chaque petit ruisseau clair qui s’y jette, nous en profitons pour remplir nos gourdes. Et puis d’un coup, vers 3700m, l’asphalte laisse place à de la piste, de la terre bien tassée. Nous roulons encore quelques km et posons notre tente à l’abri d’un monticule de terre, face à la vallée. Le soleil commence à décliner et à colorer les pans de montagne de feu. Nous redécouvrons avec plaisir la joie de s’emmitoufler dans nos doudounes et bonnets. Malgré l’altitude nous nous sentons bien, nous sommes montés doucement et nous avons fait attention à beaucoup boire. Peut-être que nos corps et têtes se souviennent de nos mois d’efforts il y a plus d’une année dans le massif Pamiri au Tadjikistan et sur le plateau tibétain où nous avions roulé en haute altitude pendant plusieurs mois.

 

Le lendemain matin, nous petit-déjeunons face à la vallée où nous allons progresser aujourd'hui. La douane argentine ouvrant à 7h, nous croisons les 1ères voitures alors que nous finissons à peine de plier la tente. Nous étions seuls hier dans notre vallée, l’espace d’une soirée et d’une nuit, nous avions oublié ce qu’étaient le bruit de la civilisation, ses moteurs, ses sollicitations sonores et visuels, seul le bruit feutré de la nature nous avait entouré. Ce sont des moments merveilleux et rares dans notre monde surdimensionné ! 

 

 

Nous partons à l’assaut du col, reposés. La piste est compacte et de très bonne qualité, et malgré le vent que nous avons maintenant de face nous progressons facilement. Les voitures et motos croisés nous klaxonnent ou nous font des signes, toutes sans exception. Dans ces moment-là on se sent toujours un peu l’âme d’un aventurier, d’un champion, alors qu’il n’y a rien d’exceptionnel, et que, à condition d’avoir une condition physique correcte bien sur, cette route est accessible à tous.

 

La piste serpente en lacets au creux des pentes de la montagne. Passés 4000m, nous veillons à faire des petites pauses régulièrement, de toute façon le paysage est prétexte à photos à chaque virage. Le souffle est plus court. Un dernier lacet et nous apercevons au loin le panneau de la limite internationale entre Chili et Argentine. Le vent est plus fort et froid, nous enfilons nos vestes avant de passer cette limite.

 

 

Paso Agua Negra, 4780m (altitude qui diffère en fonction des sources), nous y voilà, notre 1er (haut) col andin !

 

Une pause photo de Bike & Jump (le plus haut du monde ?), 2 vidéos pour souhaiter un bon anniversaire à 2 amies (nous sommes le 15 février : Marie et Shona, se reconnaîtront), et nous attaquons la descente.

 

 

Passé le col, la piste chilienne devient plus mauvaise : plus de tôles ondulées, de poussière, de graviers, mais enchantés par ce 1er col et les paysages grandioses que nous découvrons, nous nous en moquons !

Chaque virage sur la piste révèle des saveurs différentes : une couleur différente, de roche, de soleil, de ciel, de terre, … A mesure de la descente, la vie reprend son cours : de l’eau et puis des animaux.

 

Un peu en dessous de 3700m nous trouvons un endroit plat pour poser notre tente, proche d’une rivière nous permettant de nous dépoussiérer. Le vent se pose, le bruit des motos et voitures disparaît et nous retrouvons le calme de la soirée de la veille.

 

 

Le lendemain, nous découvrons la lagune et son barrage, une étendue d’eau calme, nous en profitons pour pique-niquer à côté, avec pour voisins des chevaux en liberté. Nous avons du mal à avancer ce matin : les paysages sont tellement différents, à l’image de ceux de la veille, qu’il est difficile de ne pas s’arrêter souvent. A la fin de la lagune et au niveau du barrage nous retrouvons l’asphalte, malgré le vent de face, nous avons l’impression de voler, nous dépassons même une voiture dans un virage (qui roulait lentement quand même).

 

 

Nous croisons un cyclo qui s’attaque au col, on en profite pour papoter … et pour changer mes plaquettes de frein avant, je voulais les user jusqu’au dernier morceau, c’est chose faite puisque la patte s’est délogée et frotte contre mon disque.


 

Nous arrivons à la douane chilienne et nous nous faisons confisquer nos fruits secs (interdiction de passer des aliments frais au Chili, les fruits secs sont souvent à la discrétion du douanier, celui-ci décide qu’il faut qu’il y ait un étiquetage, ce qui ne m’avait jamais été demandé avant).

Le vent est fort et malgré la descente, nous devons parfois appuyer sur les pédales. Après Huanta, le 1er village chilien, nous trouvons un endroit pour bivouaquer à côté d’une rivière et au milieu des vignes. Ici, au moindre espace non rocailleux, des vignes poussent.

 

Le lendemain nous avalons les kms jusqu’à La Serena après un passage rapide à Vicuna où nous retrouvons fruits et légumes frais, prix chiliens qui font mal au porte monnaie, et circulation !

 

 


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Commentaires: 2
  • #1

    Paquito Perez (lundi, 24 février 2020 07:59)

    Il y a deux ans j’avais choisi le Passi San Francisco pour passer d’Argentine au Chili. Je retrouve les mêmes impressions en lisant votre récit avec peut-être l’omniprésence du vent en moins
    Bonnes routes

  • #2

    Amandine (lundi, 24 février 2020 08:41)

    Les paysages sont magnifiques ! Les couleurs de la terre (dégradé ocre, rouge, marron) mêlés à la blancheur de la neige et au ciel bleu, c'est inspirant !
    Ca donne envie...