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Un hiver au Tibet...


Ecrit par Emeline

Publié le 16/12/2018


J'avoue... le titre peut paraître quelque peu accrocheur... :

"Un hiver" : nous étions  sur le plateau tibétain du 13 novembre 2018 au 10 décembre 2018. La saison d'hiver commençant réellement le 21 décembre, ok, nous n'y étions pas vraiment en hiver.. à part si on définit l'hiver par des températures négatives et donc du froid, de la neige et du verglas... on peut jouer sur la saison et les mots!

"Au Tibet" : voyons tout le monde ou presque sait que le Tibet c'est Lhassa et qu'il faut un permis spécial et un guide pour nous suivre dans nos moindres faits et gestes.  On parle de celui là? Ou du Tibet dénomination géographique qui le fait s'étaler (entre autres) dans la région du Sichuan en Chine ? On était où exactement ?  

Je vous laisse découvrir tout ça !

Petite leçon de géographie avant de commencer : le plateau tibétain est un vaste ensemble de plateaux situés en Asie Centrale, au Nord de l'Himalaya, dont la majeure partie est située en République populaire de Chine et quelques parties le sont en Birmanie, au Bhoutan, au Népal et en Inde.

En Chine il est situé dans les régions de Qinghai, Sichuan, Yunnan et région autonome du Tibet.  (Cet article relate nos tours de roue dans les régions du Sichuan et rapide passage dans la région autonome du Tibet.)

De Yushu...

Le plan initial pour nous c'est départ de Yushu, entrer dans la région du Sichuan, et s'élever doucement sur le plateau tibétain par différentes étapes entre villes, monastères... 

 

Nous décollons de Yushu assez tard, mais heureux de reprendre nos vélos après quasiment 3 semaines d'arrêt. Nous sortons rapidement de la ville et empruntons une 2x2 voies assez agréable pour bifurquer rapidement vers la gauche après avoir visiter (de l'extérieur) le temple de la princesse Wencheng.  Nous nous élevons doucement vers notre 1er col à 4000m. La route asphaltée se transforme en piste mais tellement agréable après celles du Pamir. Les drapeaux de prière nous donne du courage et nous arrivons facilement au col.

 

Nous croisons un mini bus de moines qui, en nous voyant, s'arrêtent et accourent vers nous "venez manger et dormir au monastère un peu plus haut !"(tout ceci mimé rassurez vous, nous ne parlons pas encore chinois ni tibétain). Nous refusons car nous voulons commencer la descente et faire encore quelques km.

 

Nous sommes rapidement frigorifiés dans la descente à l'ombre malgré nos sous gants, gants et sur gants.

Après quelques km nous apercevons tout étonnés un check point. Nous le passons sans contrôle et avons à peine le temps de faire 10m, qu'un 2ème policier sort du bâtiment et nous fait signe de venir manger. Cette fois ci on ne refuse pas. Assis au coin du poêle on reprend de la chaleur dans nos doigts et pieds.

 

On nous offre un verre d'eau chaude (très fréquent ici) puis du thé au beurre de yack (assez particulier mais avec le froid, pas déplaisant !).

20 min après nous nous posons la question du bivouac " on demande à planter la tente dans le jardin ? On fait quelques km et on pose la tente? On demande à dormir ici ? Oui mais ce sont des policiers quand même !"

On ne posera pas la question longtemps : ils nous font signe de rester dormir aussi. " ah... et il y a des ours dans le coin ?? Ah euh et le grognement qu'on a entendu dans la descente, ce n'est pas un yack donc c'est un ours... ah beh oui on va rester là !"

 

Une bonne nuit, un petit déjeuner offert et un sac de beignets dans les sacoches nous reprenons la route heureux. 

 

Il fait froid, le ciel est bas et blanc... ça ne loupe pas il commence à neiger dans la matinée. On enfile nos affaires de pluie. Cela ne durera pas longtemps heureusement.

 

Picnic du midi dans un petit village avec un magnifique monastère où nous ferons fureur auprès des apprentis moines (les moinillons?). Ils nous offriront 2 espèces de saucissons (qui tendent plus vers le knacki).

Nous nous assurons auprès de plusieurs personnes du village que la route vers Dêgê est celle sur la droite. "Oui oui ". Notre GPS nous y envoie aussi.

 

Nous alternons entre pistes et neige. Et je roule, et je pousse, et je roule, et je patine... mais le principal est d'avancer et nous avançons !

"Ah... un camion au milieu de la route... il a une bonne étoile lui de ne pas avoir fini dans le ravin...!"

 

17h on aperçoit une maison abandonnée : parfait pour le bivouac du soir. On gagne quelques degrés (rassurez vous quand même on est bien loin des températures de vos chez vous - quand il fait 5 degrés dans la tente on est très très content!).

 

Un plat de riz / courgettes / oignons, et nous étudions la carte. Le plateau tibétain en version hivernale est un perpétuel et quotidien questionnement sur la route à prendre. On est un peu fadas, on veut bien se le dire, mais on n'est pas inconscients. Et des cols à répétition à 4000m et quelques autres à 5000m on réfléchit à savoir si on va trouver des villages, si c'est de la piste... on veut être sur de les prendre en "sécurité".

 

"Bon ça devrait donner ça..."

" euh mais Olivier si on fait ça, on passe au Tibet là, le vrai, celui interdit..."

"..."

" on a d'autres solutions de route ?"

"Euh..."

" et si on fait demi tour ?"

" la même route : 100 bornes, la piste de  ***, et 2 cols [Oui on en a passé un 2ème mais un riquiqui à moins de 4000 ça compte presque plus], passer au Tibet ça fait juste un détour de 20km et ça doit être joli?"

"On tente ?"

"On tente!"

 

On ne savait (presque) pas que c'était impossible alors on l'a tenté!

... En passant par le Tibet interdit...

Au réveil, une (belle ?) surprise... il a bien neigé pendant la nuit ...  Bon ça, on n'y avait pas pensé... On part tard, le froid ne nous aidant pas trop.

 

10cm de neige... ça roule doucement mais ça roule... on prend le temps, quelques glissades de temps en temps, et beaucoup de photos.

 

Le plan est simple : 13 km jusqu'à la rivière qui sert de démarcation avec le Tibet, puis une grosse 10aine de km jusqu'à un monastère où on espère pouvoir passer la nuit. La suite dépendra de la route qui part du monastère et qui pourrait nous amener jusqu'à Dêgê, neige ou pas ? Sinon on fera une boucle de 100km mais de la route plus importante et donc sûrement mieux déneigée.

 

Les paysages sont magiques, grandioses, impressionnants... les montagnes nous entourent.

 

5km avant la fameuse rivière tibétaine, nous apercevons un check point avec une barrière. " eh zut"

Personne ... bon on passe !

Au moment où nous passons en dessous de la barrière, une voiture de police arrive... "et m***"

A peu de chose près :" venez manger avec nous "

" mais on va en face nous "

" oui beh vous mangez d'abord et ensuite vous continuerez"

" Bon d'accord"

 

Nous nous retrouvons donc attablés autour d'une belle table ronde avec toute l'équipe du coin. Le principe c'est de tout partager : on a chacun son verre d'eau chaude et un bol de riz blanc nature. Au milieu de la table se trouvent plusieurs plats de légumes et de viande où tout le monde pioche.

 

Nous reprenons la route avec un temps un peu plus clair. La rivière est là, nous traversons le pont et apercevons une barrière relevée.

Notre stratégie si nous avons un contrôle : "on s'est trompé, on ne savait pas que c'était le Tibet, svp monsieur l'agent on va pas faire 100km en demi tour en plus il y a de la neige on a froid (larme à l' oeil) sinon escortez nous, y'a que 20km !!"

 

En vrai : la barrière était ouverte, on a vu personne, on est passé.

 

Welcome to Tibet!!! Incroyable !!

 

Le 1er village traversé est bien différent de ceux chinois : les maisons sont en torchis et en bois...

 

Passé ce village, surprise : nous retrouvons l'asphalte! En route pour notre monastère où nous espérons pouvoir dormir ce soir. Une petite montée et nous nous retrouvons devant un magnifique temple entouré de montagnes. A peine sommes nous approchés de la grille ouverte que 2 moines nous aperçoivent et accourent vers nous. Ils nous proposent, sans surprise presque, de venir manger.

Nous voilà donc installés dans une petite chambre à côté d'un poêle avec le bol d'eau chaude suivi du thé tibétain (celui au beurre de yack). On nous propose de la viande séchée de yack et de la tsampa. Il s'agit d'un plat typique tibétain : un mélange de farine d'orge grillée, de beurre de yack et de morceaux de fromage à mélanger avec de l'eau chaude. Bon mais bourratif !

 

Nous avons droit à une visite du temple. C'est splendide : du coloré et du bois sculpté...

 

L'invitation à dormir vient tout naturellement.  Un peu compliqué de communiquer. Personne ne parle anglais, et ce qui nous surprend, seul un moine parle chinois. Nous nous aidons de nos téléphones et des traducteurs. Malgré la difficulté de la langue nous passons une superbe soirée tellement improbable! Nous arrivons à comprendre pleins de choses sur le fonctionnement du monastère, les drapeaux de prières colorés qui décorent les villages, les maisons, la montagne...

 

Nous avons droit à la question "croyez vous au bouddhisme?"." Nous sommes chrétiens mais trouvons le bouddhisme intéressant "

Nous avons une réponse qui fait réfléchir devant tant de tolérance "on peut croire au bouddhisme ou non, ici vous serez accueillis de la même manière!"

 

Nous apprenons également que la route que l'on voulait suivre n'est pas praticable à cause de la neige. Tant pis on en prendra une autre : plus de km mais surement encore un joli détour !

 

Nous dormons une nuit reposante et apaisante. Si on les avait écouté on aurait pu repartir avec une sacoche pleine de nourriture. On se contentera d'un peu de tsampa. 

6 moines nous accompagnent jusqu'à la sortie du temple.

 

Quelle merveilleuse expérience, encore plus de savoir qu'elle se passe au Tibet " interdit".

 

Nous enfourchons les vélos pour 400m... le temps d'essayer de changer nos vitesses à l'arrière et de se rendre compte que les câbles sont complètement détendus à cause de la glace. Réparation chrono d'Olivier et on repart sous un grand ciel bleu et du soleil ! (Ce sera notre quotidien matinal : dégel des câbles - regel - dégel - regel...)

 

Arrêt pour midi dans un petit restau de bord de route où nous aurons l'impression de passer un dimanche en famille autour du poêle. Des beignets, un bol de Tsampa et de l'eau chaude, une invitation à dormir et un refus catégorique que l'on paie.

 

[ les tibétains ne peuvent pas accueillir des étrangers chez eux sous peine de répression de la part du gouvernement chinois, alors ces invitations nous font encore plus chaud au cœur ]

 

Plusieurs villages traversés, et nous nous retrouvons devant le pont qui nous fait sortir de la Région autonome du Tibet et rentrer dans la région du Sichuan. Un vrai check point cette fois, demande de passeport et... refus de nous faire passer " ah bon on est au Tibet? Mais non on est au sichuan , non ? Ah, on savait pas, désolé"

Appel du boss qui refuse que l'on passe le pont. Tout ceci expliqué à coup de traducteur de téléphone.

On sera resté 1h30 à négocier. "Mais attendez votre pont il fait 200m, si vous refusez on se tape 100km, il est 16h30 le soleil commence à se coucher... Vous refusez que l'on passe le pont ce qui nous fait rester plus en situation irrégulière dans la Région autonome du Tibet ? "

J'enfile ma doudoune. Ils nous font alors rentrer dans leur local au coin du poêle. Un des policiers en civil nous montre son traducteur "je vais vous aider il y a une autre voie. Mais il ne faut pas en parler sinon je peux avoir des problèmes". On a à peine le temps de lire son message qu'il sort. 30 minutes après, un autre policier s'approche et nous dit "c'est bon vous pouvez y aller". On se regarde, on ne se le fait pas répéter 2 fois on enfourche nos vélos et on traverse ce fameux (foutu?) pont...

 

Nous aurons passé un peu plus de 24 heures dans ce Tibet interdit avec des rencontres incroyables. Cela restera sûrement pour nous un moment fort de notre voyage ! (pour le joli clin d’œil, nous aurons passé nos heures tibétaines le jour de nos 9 mois de voyage !)

... A Dêgê

Après une nuit dans un hôtel où nous découvrons les spécificités de la région (pas de chauffage dans les chambres mais des matelas chauffants - il faut se motiver le matin pour sortir du lit !), nous reprenons notre route initiale (enfin initiale on ne sait plus très bien !). Reprise de route jusqu'au monastère de la sortie de la petite ville où nous nous trouvons, monastère que nous visitons avec comme guide privé un jeune moine !

 

Nous roulons sur de la piste agréable et... déneigée en montée douce tout en longeant le Tibet de l'autre coté de la rivière. Déneigée j'ai dit ? En prenant de l'altitude nous retrouvons la neige mais bien tassée et sur laquelle nous faisons des progrès de conduite à vélo ! 

Les paysages qui nous entourent sont dingues, grandioses, impressionnants : nous sommes entourés de montagnes aux sommets enneigés et aux pentes abruptes, de vallées plongeantes où nous apercevons les villages comme accrochés aux parois des falaises, des rivières en parties gelées... nous qui sommes fans de montagnes et de grands espaces, nous sommes aux anges... et dire que nous allons pouvoir profiter de ces paysages en roulant pendant quelques semaines ! Le pied je vous dis ! 

 

Où par temps cléments (T° douces) nous aimons bivouaquer et poser notre tente loin des habitations et dans la nature, ici nous recherchons l'inverse : des maisons où nous pourrons nous abriter du froid. Et les joies des cartes et GPS chinois, c'est que rien n'est à jour : un gros village sur notre GPS n'est en fait qu'un hameau en vrai, rien sur notre carte ? et pourtant ce n'est que succession de villages ! 

Comme les soirs après notre aventure tibétaine interdite, nous repérons des villages sur notre GPS où nous espérons trouver un petit hôtel qui n'existera pas, mais c'est sans compter l'hospitalité des tibétains à qui nous demandons où dormir. C'est tout naturellement qu'ils nous montrent la porte de leur maison. Tout y est simple à l'intérieur : une grande pièce à vitres avec, au centre, un poêle à bois : on y cuisine (dans des grandes marmites sur le feu), on y tient chaud en permanence de l'eau, on y mange, on y passe son temps et nous, on y dort au chaud emmitouflés sous couettes et couvertures! 

Dans ces maisons on découvre la chaleur d'un toit mais aussi d'une famille, on déguste des plats typiques toujours accompagnés du bol d'eau chaude et de riz et on les quitte le lendemain prêts à affronter la rudesse des journées glaciales du plateau sous les "Tachidèlè" encourageants (ce mot désigne à la fois le bonjour mais aussi bon voyage).

 

Nous découvrons aussi les petites villes tibétaines où nous trouvons quelques hôtels glacials (ou glaciaux ?? enfin, froids quoi !!) où nous loger le temps d'une nuit, villages remplis d'échoppes avec drapeaux de prières, chapelets, vêtements rouges et oranges...  et tous leurs moulins à prière, et leurs nombreux restaurants où nous dévorons les plats emmitouflés encore et toujours dans nos doudounes (oui les restau non plus ne sont pas chauffés !)

 

Nous enchaînons également les cols, sur la neige, dans le verglas avec une belle chute pour Olivier, qui pour une fois me dépasse (mais c'est moi la reine des chutes normalement!). Le dernier col (à 4500m) juste avant Manigango restera surement l'un des plus pénibles : une dernière montée en lacets sur de la piste verglacée où une 30aine de camions sont bloqués et où les voitures nous doublent sans faire attention et sans avoir de chaines... bref on serre les dents et les fesses.

 

Avant Dêgê, un nouveau tunnel nous permet d'éviter un col à 5000m et quelques, et surement quelques frayeurs avec les voitures sur une piste verglacée et enneigée.

C'est toujours excitant de basculer par un col d'une vallée à une autre, nous avons souvent l'impression de changer de monde ! La vallée de Dêgê nous plonge dans une descente vertigineuse, et nous avalons les Km en pensant à la potentielle douche chaude que nous pouvons trouver! Bingo ! Après 6 jours, nous prenons enfin une bonne douche digne de ce nom (boh, ça va ! on a pas beaucoup transpiré il faisait bien froid !)

 

A Dêgê, on s'octroie un repos bien mérité de ... 2 nuits (ça va, faut pas non plus abuser, avec un vol à Kunming le 28 décembre, et une envie de voir beaucoup de choses, on évite de s’éterniser !). 

A Dêgê aussi, nous en profitons pour visiter le monastère et l'imprimerie : cette dernière constitue toujours un haut lieu de pélerinage (des dizaines de personnes tournent autour de l'édifice en actionnant leurs moulins à prières). Cette imprimerie a été construite entre 1720 et 1750 et fonctionne toujours aujourd’hui. Les ouvriers travaillent toujours à l'impression des sutras (textes de prière bouddhistes) avec les mêmes techniques traditionnelles qu'au 18ème siècle.

 

Nos deux jours de repos passent bien vite et nous voici de nouveau sur la route en direction de Batang.

 

En avant pour de (jolis?) détours !

Un départ de Dêgê doux avec des T°C enfin positives, il faut dire que nous nous rapprochons doucement des 3000m d'altitude ! Les deux soirs suivants nous nous laissons même tenter par un bivouac, malgré l'altitude nous trouvons du bois ce qui nous permet de passer une soirée au chaud devant un bon feu de camp !

 

Nous longeons une rivière sur du bon asphalte où nous apercevons de nouveau le Tibet de l'autre coté. Les paysages ont changé, nous sommes dans des vallées plus encaissées, très différentes des derniers jours sur le plateau. Nous faisons de belles journées avec beaucoup de dénivelé et pour cause, à chaque col nous redescendons bas pour remonter sur le suivant.

 

Les routes chinoises sont et resteront pour nous des mystères : celles que l'on pense être grandes et asphaltées sont souvent en piste et poussière, certaines petites sont dans un revêtements digne de ce nom. Beaucoup de tunnels sont en construction pour éviter des cols. Mais nous avons globalement l'impression que tout est construit à la 'va-vite" sans penser au futur plus proche que 4/5 ans : beaucoup de routes sont abîmées, nous observons beaucoup de chaussées déformées ou de glissements de terrains, ... 

 

Avant notre arrivée à Batang, nous optons pour un petit détour et quelques km supplémentaires (quand on aime... oui c'est ça on compte pas !)! et Bingo, on tombe sur "The" route que tout cyclo (ou presque... en tout cas, nous) rêvons d'avoir : la route est en fait un sentier ou seuls peuvent passer piétons, motos et vélos, dans une gorge qui se fait de plus en plus serrée, parsemée de moulins à prières, de drapeaux, des inscriptions sur la roche ... c'est féerique ! Alors évidemment, bivouac au pied de la rivière avec feu de camp ! Le matin on rigole moins quand le soleil peine à venir nous chatouiller et qu'il fait encore -6°C à 10h30, allez les paysages valaient vraiment les doigts gelés de bon matin !

 

Notre arrivée à Batang signe pour nous la fin des hauts cols (à + de 4000m), nous ne sommes pas mécontents surtout après les réveils froids en tente de ces derniers jours. Nous qui ne sommes malgré tout pas habitués à ces températures froides nuit et jour, nous sommes un peu fatigués.

 

Enfin... ça c'était sans compter ... un petit caprice de rivière (si petit!), qui a fait il y a quelques mois monter de plus de 20m ses eaux (oui, oui, vingt mètres, pas d'erreur !) et inondé une partie de la route que nous voulons prendre. La rivière est redescendue depuis mais a laissé de gros dégâts, emporté beaucoup d'habitations et une partie de la route.... Nous nous en rendons compte en route. Tout étonnés de voir plein de sable sur la route, des ponts détruits, des algues sur les fils électriques... C'est devant le pont allant à Lhassa à plus de 30 km de Batang que l'on nous apprend qu'il n'y a plus de route quelques km après. Un peu têtus nous insistons en montrant nos vélos "mais c'est bon avec des vélos on peut passer ! au pire on pousse !", jusqu'à ce qu'un local nous montre des vidéos... "oui bon en fait non on en peut pas passer" (la route à flanc de falaise est complètement descendue, des piétons passaient le long de la falaise avec des cordes... nous n'avons pas encore testé l'escalade avec les vélos, mais on remettra ça à plus tard !)

 

Réunion au sommet dans un petit hôtel au bord de route pour regarder les différentes possibilités, au final il s'agit juste d'un détour parmi tant d'autres ? Nous optons pour la solution la plus courte en km, celle que nous avions vu avant de choisir celle du bord de rivière : nous repartons pour la montagne et 3 cols à plus de 4000m (je sens l’embrouille, on m'avait dit fini le froid !)

Le deal est facile pour le 1er col : 38km de montée et ...2800M de dénivelés, sur de la piste (ah beh oui pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?),  la 1ère journée se fait (assez) facilement, nous sommes encore assez bas en altitude. Nous ferons ce col en 2 jours avec 2 nuits sur place. Nous avons la chance la 1ère nuit de trouver une cabane de bergers inoccupée. La 2ème nuit sera plus "fraîche", nous posons la tente à 4600m, tant bien que mal abrité du vent. Rassurez vous ! Nous n'avons pas eu froid avec nos supers sacs de couchage ! à 8h30 le matin sous la tente, -10,5° "on attend le soleil ?"

 

Les derniers km d'ascension seront éprouvants pour moi, surement l'une de mes plus dures journées de vélo depuis le début du voyage (qui détrône le Nemrut Dagi en Turquie : article ici !). A cette altitude le souffle est court, la piste est franchement... dégueulasse, Olivier me prend même le sac de mon porte bagage. Je vise pour avancer 100 mètres par 100 mètres. Heureusement le temps est beau (mais froid), et les paysages vraiment jolis. Plusieurs voitures s'arrêtent pour nous donner de l'eau et même... 2 burgers encore tièdes ! que l'on dévore au bord de la route!

L'arrivée au sommet sera presque une délivrance! Verdict 4992m! Notre plus haut col à vélo ! Une  vraie victoire pour moi !  Olivier qui a fait le Kilimandjaro à pied (5895m) me rassure"j'en ai plus bavé pour celui là que pour le Kili!".

La descente est un pur bonheur même avec les cailloux ! Et puis le paysage était splendide dans la montée, pas de raison qu'il ne le soit pas dans la descente !

 

Après ce col, les 2 suivants nous paraissent enfantins qui plus est... sur de la bonne route asphaltée ! Et les invitations chez nos amis tibétains s’enchaînent.

 

Nous quittons doucement le plateau tibétain pour nous enfoncer dans des vallées verdoyantes. Nous commençons à ressentir une envie de températures plus douces. La fatigue  accumulée des cols et de l'altitude commence à se faire sentir. et on avoue même que pour le dernier col, on s'est fait avancer par un pickup sur une piste de poussière en travaux où l'on ne prenait plus de plaisir !

 

A Derong, notre dernière ville du Sichuan avant le Yunnan, nous repérons un éco-lodge à Benzilan, tenu par une française qui nous proposera de rester chez elle en échange du gîte et du couvert et de travailler un peu : de quoi nous changer les idées, de dormir dans un vrai lit avec un matelas moelleux, de déguster de succulentes confitures et du vrai pain au levain ! Nous y restons 4 jours ! Merci Estelle !

 

Aux portes de sortie du Sichuan, nous nous rendons compte de la chance que nous avons eu de pouvoir admirer d'aussi beaux paysages et de trouver sur notre route des tibétains prêts à nous ouvrir leurs foyers pour nous laisser une place au coin du feu. La neige et le froid aura donné une note particulière à notre expérience tibétaine que nous ne sommes pas prêts d'oublier !

 

Rouler en mode "hivernal" sur le plateau tibétain, au quotidien ça donne quoi ?

Je vous imagine assis dans votre canapé, peut être devant une cheminée ou un poêle à bois  avec un bon plaid bien doux sur les genoux, ou du moins dans une salle chauffée, rêver devant les paysages décrits, devant les monastères colorés et de bois sculptés, et l'hospitalité des tibétains... 

Le Tibet fut une expérience inoubliable, que l'on conseille à tout le monde, cyclos et les autres. Nous nous sommes littéralement gavés de beaux paysages, nous qui adorons la montagne nous avons été aux anges !

 

Expérience inoubliable par la beauté de la région mais aussi par les conditions difficiles que nous avons rencontrées. Alors, oui on l'avoue, nous avons eu des moments parfois un peu difficiles ! Après 25 jours sur le plateau tibétain, nous étions contents d'arriver à Benzilan dans le Yunnan avec des températures plus clémentes !

 

Alors rouler sur le plateau tibétain tard dans la saison, c'est quoi ?

C'est commencer à pédaler chaque matin avec des T° négatives, c'est avoir les doigts des pieds et mains gelés en permanence ou presque, c'est devoir dégeler les câbles de dérailleur avant de démarrer, les redégeler 20 min plus tard, re 40 min après et ainsi de suite, c'est osciller en terme d'altitude entre 3500M et 4900m, c'est enchaîner les cols entre 3800m et 4992m (notre record!), 

 

Nous avons aussi du adapter nos journées de vélo, où avant nous ne regardions pas ou peu nos heures de départ et de stop le soir, nous avons du nous caler sur le soleil, enfin ses rayons : commencer à pédaler à l'ombre équivaut à se geler gratuitement sur nos vélos! Alors, on ne sortait de chez nos hôtes qu'une fois que les rayons de soleil étaient bien là.

De même le soir : on se moquait avant de notre lieu de bivouac : pourvu que l'on soit loin des habitations ! Ici nous calculions nos lieux de bivouacs le plus bas possible en terme d'altitude et le plus proche de village pour espérer dormir au chaud !

 

Nous avons aussi appris à rouler sur la neige et le verglas (enfin moins pour le verglas, on optait souvent pour le classique "je pousse mon vélo"!), ce qui  nous aura valu quelques frayeurs, chutes, et bonne partie de rigolade !

 

Ah, et les quelques fois où nous avons dormi en tente, je vous passe les bouteilles d'eau gelées, tout comme mon produit pour les lentilles ou encore la crème hydratante, le givre sur les sacs de couchage, alors même principe : on attend sagement le soleil !

 

Bon, vous allez nous dire, on a vu, vous avez pris quelques chambres d’hôtels : ah oui certes... chambre d’hôtels sans chauffage (bon ok avec un matelas chauffant!) ni douche (oui je vous assure c'est possible!), mais au moins nos gourdes ne gelaient pas (mmh... pas si sur!)

 

Heureusement que les paysages, les sourires des tibétains, le thé brûlant, les restau avec pleins de bons plats et les snickers, nous ont permis de nous réchauffer l'esprit.

Et en cas de gros coups de mou, j'ai pu compter sur mes supers copains pour recharger mes batteries et rigoler en imaginant leurs grimaces, en écoutant leurs musiques et me répétant leurs récits de leur vie en France !

 

 


QUELQUES CHIFFRES :

 

Nombres de jours en terre tibétaine:  24

Nombre de Km :  1.048 km

Dénivelé positif :  15.030 m

Nombre de cols : 13 dont 10 au dessus de 4.000 m

T°C la plus froide au réveil sous la tente : -10,5° à 8h30 (avant on dormait!) 

Nombre de craquage : 1 gros (oui mais y'avais du froid, de la piste, de la poussière, des voitures qui faisaient pas attention, de l'altitude, de la montée pour (encore) un col, du vent de face, et un chinois qui m'a mal parlé! ... bref ça m'a fait du bien !)

 

 


Pour en voir plus, c'est par là 


RayonMixTour

 

 


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Commentaires: 3
  • #1

    Amandine (dimanche, 16 décembre 2018 13:31)

    Rude mais magnifique !
    Les villages et les moines sont très colorés ce qui contraste avec la neige.
    Bravo pour ce presque 5000 m !!!

  • #2

    Lilas (dimanche, 16 décembre 2018 14:55)

    vous avez été très courageux, je vous aime très fort!

  • #3

    josé (lundi, 24 décembre 2018 15:48)

    Un petit coucou de Toulouse ,je vous suis régulièrement,c'est juste passionnant .
    Je vous souhaite un bon noël.