· 

Viens ……………*, monte sur mon vélo volant, je t’emmène en Iran ! *Indique ton prénom


Alice, c'est la copine d'Emeline, celle qu'elle a rencontré au Canada, puis retrouvé à Lyon, puis à Toulouse... Alors on attendait de pied  ferme qu'à son tour elle nous retrouve  en chemin. Ligne scout sur son CV, on n'attendait pas moins d'elle qu'elle se joigne à nous pour faire des kms à vélo et partager des bivouacs en condition réelle "voyage cyclo" (elle n'a même pas râlé  quand certains jours dans le désert, la douche a été interdite pour cause de restriction d'eau ! ... tant qu'elle avait de l'eau pour se laver les mains !)

On lui laisse la plume pour vous embarquer dans une jolie aventure !

Ecrit par Alice

Publié le 14 août 2018


Bienvenue comme disent les iraniens à chaque occasion ! Tu penses peut-être que c’est une destination peu courante ou inquiétante. Peut-être… Mais après avoir validé à 2 reprises avec la team RayonMix** que la situation était assez stable pour tenter l’aventure, c’est parti ! Même avec les péripéties de Trump, j’ai eu raison de faire confiance à ces voyageurs au long court qui ont quitté la France à vélo 5 mois plus tôt.

Mercredi 25 juillet, je pars sur les chapeaux de roue, comme à mon habitude certains diront… En un peu moins d’une heure grâce à mon amie Alice et à ma bonne étoile, je réussis en pleine période de départ en vacances à faire enregistrer mon vélo au « rayon*** » des « encombrants » et à embarquer.

Entre deux aéroports, le moment est souvent propice à la réflexion car le temps n’a plus trop d’importance, il est comme suspendu. Dans mon imaginaire, je m'attends à une grosse perte de repères. Pourtant Emeline m’a rassuré quelques jours plus tôt en précisant que l’art du voile pour les iraniennes est de montrer le plus de cheveux possible !!

 

 

Maintenant que nous sommes sur place, laisse-moi te présenter ma perception de l’Iran sous les différents angles de mon vélo volant !

Un code de la route délIRANt !

Imagine que le flot de voitures dans la rue représente le soufflet d’un accordéon et que les musiciens qui accélèrent ou ralentissent la musique sont les multiples aléas : un piéton qui traverse, un scooter ou une auto à contre sens, une voiture qui double par la droite... Le chef d’orchestre, c’est Monsieur le Klaxon qui alerte, salue, accueille et plus rarement réprimande !  En Iran, le bruit du klaxon nous couvre de sympathie et je l’associe aux 1000 et un visages des iraniens qui nous souhaitent continuellement la bienvenue !

 

La finesse de l’Iran se trouve aussi dans l'assiette. Nous qui avons fait le périple Téhéran, Shiraz, Yazd, Varzaneh puis Esfahan, nous avons retrouvé très souvent les mêmes aliments dans les échoppes, à savoir : oignons, concombres, tomates, pois chiches secs, melons, pastèques, halva, amandes, dattes… (Liste non exhaustive !). Nous nous sommes régalés du pain iranien qui est un pain plat. Il sèche très rapidement mais il est certain que le sort de nos baguettes plus épaisses ou de nos pains serait bien pire !

 

A Shiraz, nous nous sommes régalés du Dizi qui est un plat iranien traditionnel à base de viande (au choix mouton ou poulet), de pois chiches et d'une soupe, à déguster avec du pain toujours ! A cause ou grâce à la chaleur nous avons souvent mangé des glaces !

Côté finance…

Les touristes remercient Trump pendant que les iraniens subissent une hausse des prix qui affecte jusqu’à 2 fois leur pouvoir d’achat. La monnaie locale a la particularité d’en concerner 2 en réalité : le Toman avec lequel ils annoncent le prix et le Rial avec lequel ils payent. Le cours du change a été extrêmement volatile pendant mon séjour puisque 1 euro valait 95 000 rials avant mon arrivée et qu’il est monté à plus de 130 000 à la suite des trumpèteries… !

La carte d’identité iranienne : Accueil  et Générosité !

Rappelle-toi ou à défaut imagine, le jour où tu as été présenté à la famille de ta moitié. Sans doute que les uns et les autres avaient hâte de te rencontrer, qu’ils étaient aux petits soins, que dans la rue les voisins te guettaient pour te souhaiter la bienvenue. C'est l'effet que m'ont fait les iraniens ! Ils sont curieux et tellement accueillants, c’est désarmant ! Sans parler de la générosité qui vient automatiquement en suivant. Combien de fois, ils nous ont offert à boire, à manger, pris en charge pour nous montrer le chemin jusqu’à ce qu’ils soient sûr que nous étions dans la bonne direction et que nous ne manquions de rien.

 

L’exemple de Ghasem, un jeune de 15 ans qui vit en montagne à Taminan, est le schéma qui s’est souvent répété à notre égard :

Ghasem : Hello ! Do you want a Chaï ? (thé)

“RayonMixAlice” team : « Bale, mersi ! » (Oui merci !)

 

Il faut dire qu’on en avait souvent bien besoin, surtout après avoir fait du dénivelé positif pendant 1 heure ou 2 par une quarantaine de degrés ! Alors un des villageois s’empressait de nous apporter un thé et du sucre, toujours avec du sucre !

 

Puis Ghasem nous a invité à reprendre un thé chez lui et à l’écouter jouer du djembé et du tambour, les 2 instruments entassés l'un sur l'autre sur ses genoux ! L’étape suivante est le repas, que nous ayons déjà mangé ou non juste avant, ils nous servaient un repas complet souvent composé de riz, d'une viande et de pain ! Certains nous ont ensuite invité à dormir, prendre une douche, laver notre linge, offert le petit déjeuner et même un billet de 1000 rials porte bonheur, un livre Saint…

 

Que dire de plus, si ce n’est que ce voyage m’a fait réfléchir à la manière dont je peux davantage associer la carte d'identité iranienne à la mienne au quotidien !

En chemin, il se passe toujours quelque chose de surprenant…!

Côté transport en commun, le métro est très souvent présent dans les grandes villes comme Shiraz, Téhéran, Esfahan… A noter qu’il y a toujours 1 wagon ou 2 réservés aux femmes.

 

Les bus sont très utilisés également, d’autant plus pour traverser ce grand pays. Le bus c’est toute une ambiance, viens avec moi le long des soutes ! Là nous négocions le prix pour le transport des vélos. Si certains essayent de nous faire payer 2 fois le prix, le plus souvent un local vient nous aider à traduire de l’anglais en farsi pour négocier. Toujours cette bienveillance qui caractérise tant ce peuple !

 

Suis-moi, il faut monter dans le bus car il va partir !

 

Comme souvent, c'est un bus couchette car nous voyageons de nuit. Il est assez spacieux pour rendre heureux les 1m87 d’Olivier ! Sur les 50 premiers km, la porte du bus reste ouverte et le second chauffeur braille à tout bout de champ la destination finale dans l’espoir de vendre des places supplémentaires. Il réitère la manœuvre sur des aires d’autoroute improvisées, à savoir… les bandes d’arrêt d’urgence ! C'est d'ailleurs ainsi que nous avons pu attraper un bus pour aller de Persepolis à Yazd ! Pour rajouter au charme, nous avons d'ailleurs pris l’autoroute à contresens à vélo pour rejoindre cet arrêt de bus incongru et presque sécurisé…! Si jamais tu te dis que nous sommes inconscients, sache que nous avons simplement fait les choses...à l’iranienne, comme tout le monde !

Plus précisément à vélo, qu’est-ce que ça nous donne ?!

Représente-toi un pays 2,5 fois plus grand que la France. En raison de sa taille et de la chaleur, nous n'avons pas pu tout faire à vélo. Quand bien même nous avons pédalé 600km en montagne, dans le désert, sur l’asphalte tannée par le soleil ou sur la piste, par 42 degrés en moyenne. Nous sommes régulièrement allés chercher un peu de fraîcheur dans les hauteurs ce qui nous a fait grimper plus de 3200 m de dénivelé positif. Nous avons principalement pédalé autour de Persepolis, l’ancienne capitale de la Perse puis dans le désert de Varzaneh entre Yazd et Esfahan. Ce périple nous aura valu de passer une nuit étoilée, naturellement j'entends !, dans un caravansérail vieux de 400 ans. Essaie d'imaginer cet endroit rempli d'hommes, de marchandises, de dromadaires et bétail en tout genre ! Situé sur l'ancienne route de la soie, ce lieu chargé d'histoire est maintenu aujourd'hui tant bien que mal. Comme il se trouve en plein désert, les acteurs de l'économie touristique n'ont pas encore fait main basse dessus. De fait il est encore libre d'accès, ce qui a ajouté de la magie à ce bivouac hors du commun !

Étant donné son éloignement de la civilisation, nous avons dû nous rendre autonome en eau pour 2 à 3 jours. Nous avons porté jusqu'à 30kg d’eau à nous 3. Laisse-moi te confier un secret : même chaude, tant qu'il y a de l'eau, la team RayonMixAlice peut pédaler n'importe où en Iran !!

 

Oh, il me vient en tête une situation à vélo que j'ai trouvé particulièrement épique ! Dépendamment de la taille de la ville concernée, la sortie à vélo n’a pas toujours été un plaisir. En quittant Shiraz, nous empruntons une route qui ressemble fort à…. une autoroute ! Elle est d'ailleurs équipée de radar ! La team RayonMix étant déjà rompu à ce genre de route, je dois admettre que je suis la seule à être en dehors de ma « zone de confort » ! D’autant plus lorsque nous croisons, toujours à vélo… une bretelle de sortie d’autoroute, puis…la bretelle d’entrée qui s’ensuit !! En réalité nous sommes dans une sorte de cocon que forment les “Hello, welcome !” des iraniens ainsi que leurs klaxons qui nous saluent, nous alertent et nous protègent ! Cependant l’odeur prégnante des gazs d’échappement nous maintient bien les pieds sur terre !

 

Dans cette joyeuse ambiance, quel rôle joue la police ?

A vrai dire, je n’en sais rien bien qu’ils soient effectivement présents sur le bord des routes pour contrôler des automobilistes ! S’ils n’ont pas sourcillé à notre passage sur ces grands axes qui pouvaient éventuellement être dangereux, il semble que mon référentiel d’occidentale ne soit pas adapté sur ce point à celui des iraniens !

 

Enfin, la route aura souvent été notre point d’entrée sur la question de l’environnement en Iran. En effet, bon nombre de détritus jonchent les accotements et s’envolent malheureusement dans le désert et ailleurs au gré du vent.

A toi Olivier, mon frère !

Emeline, Fatima, Zara, Ehteram, Alice… nous les femmes ! En Iran nous devons obligatoirement porter une tunique à manches longues, un voile, un pantalon et un tchador****quand on rentrait dans une mosquée (grande pièce de tissu posée sur la tête fermé à l’aide des mains)

 

En allant acheter ma tunique au souk, un homme dans la rue me fait la remarque de porter une tunique à la place de mon tee-shirt à manches longues. Je m'inquiète d'abord de sa réaction puis je comprends que c'est fait avec bienveillance. Au bazar, lorsque je trouve celle qui fera l'affaire, je me surprends à faire un High five avec le vendeur. Or les iraniens ne sont pas supposés toucher une femme. Je réalise de suite mon geste bien trop européen ! Attention Alice, pas de bêtise, ne va pas te retrouver derrière les barreaux ! Le maître mot de ce périple est et doit être l'adaptation. Observer puis s'adapter n'est pas toujours simple. Par exemple lorsqu'on se retrouve voilée d'un drap des pieds à la tête pour pouvoir visiter une mosquée, ou encore trop couverte alors qu'on pédale sous une chaleur torride. Ou bien lorsque les iraniens s'adressent exclusivement à Olivier à défaut d’Emeline ou moi. Malgré tout lorsqu’on insiste un peu, ils finissent par nous répondre. Avec le temps, nous montons un stratagème ! Emeline devient la femme d’Olivier (au sens marital) et non plus sa “simple” compagne. Pour ma part je deviens la sœur d’Olivier. On nous trouve des ressemblances amusantes d'ailleurs !! Puis nous remarquons que les iraniens s'adressent peut-être un peu plus facilement à moi. Nous concluons que c'est sans doute parce que je ne suis pas encore mariée !

 

En septembre 2016, Ali Khameini l'instigateur de la nouvelle révolution tel qu'il se décrit, a édicté une fatwa interdisant aux femmes de faire de la bicyclette : « Faire du vélo attire l’attention des hommes et expose la société à la corruption, et surtout cela contrevient à la chasteté des femmes, il faut l’abandonner. » Je garde en mémoire le regard triste de Fatima, hôtesse d'accueil dans l'auberge d’Esfahan, qui me disait toute la chance que nous avions de pouvoir faire du vélo.

 

Puisse un jour ce pays se libérer de ses chaînes. Si les iraniens peuvent difficilement sortir de leur pays à cause des limites de leur visa d'une part et de leur faible pouvoir d'achat chez eux et encore plus à l'étranger, continuons à leur rendre visite. Par ce biais, nous pouvons échanger, être la preuve vivante qu'un autre mode de vie existe même si le gouvernement aimerait faire croire le contraire. Cela concourrera peut-être à inspirer les générations à venir pour faire changer les choses. Je ne suis pas du tout experte de la politique de ce pays et de ces contradictions mais je te livre ici mon ressenti qui est le fruit des échanges que j'ai eu avec les iranien/nes.

 

J'aurais encore beaucoup à te raconter, comme l'épisode de la coiffeuse lorsqu’Emeline a été se faire couper les cheveux, derrière de hauts murs sans vis-à-vis afin de ne pas être vue des hommes. Ou encore l'intelligence de ceux qui ont construit le réseau de canalisation inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco qui reliait Yazd aux villes alentours dans le désert. Mais aussi en vrac, l'architecture spécifique des villes du désert, la visite de renards sur quelques-uns de nos bivouacs, les “champs de route” au bord desquels nous avons planté la tente, ou “champ d’écaille” à défaut de trouver des champs d'herbe grasse ! La paisible sieste que nous avons faite dans une oasis, de la montagne noire, des marécages et du lac salé en plein désert, du village abandonné à Kharanaq, du grand père qui nous a joué de la flûte traditionnelle iranienne et des quelques fois où nous avons entonné “Aux champs Élysées” de Joe Dassin pour tenter de remercier nos hôtes de leur hospitalité.

 

 

L’Iran est pour moi le pays des anges gardiens !

Iran rime avec bienveillant, temps, doucement, accueillant, grand, intrigant, différent… et inspirIRANt !

 

Il me reste à remercier du fond de mon cœur mes 2 acolytes qui sont une belle source d'inspiration ! Merci à Olivier de nous avoir guidés, d'avoir toujours été attentif, rassurant (Est-ce qu’on aura assez d’eau ??! et autre…), d'avoir supervisé l'état de ma bicyclette à plusieurs reprises et enfin de prendre si bien soin de ma copine ! Merci à toi Emeline, mon amie de voyage et plus ! Depuis le Canada en 2012, on a réussi de nouveau à se payer de bonnes tranches de rires, profiter de tes multiples idées et de tes questions débouchant sur d’intéressants débats ! Et surtout de cette belle énergie que tu as. Je vous souhaite encore pleins de belles rencontres les copains !

M.E.R.S.I !

 

** La team Rayon Mix se compose d’Emeline JULLIEN et Olivier RAYON.

***Toute référence à Olivier Rayon, l’un des 2 héros de la team « RayonMix » est tout à fait fortuite.

 

****Ironie du sort pour nous qui avons si souvent dormi sous la tente, cela se dit “tchador” également en farsi (persan) !


Si vous voulez en voir plus, c'est par ici !!!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIDÉO EN COURS DE MONTAGE !!


Écrire commentaire

Commentaires: 7
  • #1

    Roland Azéma (mardi, 14 août 2018 16:31)

    J'ai bien aimé votre vision de l'Iran où je suis allé "tourister " il y a deux ans. Il faudrait quand même que la situation de la femme iranienne évolue dans le bon sens.
    Bonne continuation...

  • #2

    Amandine (mardi, 14 août 2018 17:17)

    Encore une fois, un voyage ce n'est pas que des paysages mais aussi et surtout les personnes que l'on rencontre. Merci d'en faire une si belle illustration ! Bonne route à tous les 3 !

  • #3

    La Clermontoise (mardi, 14 août 2018 17:57)

    Un grand merci à "Alice" pour ce fabuleux récit!Je me suis régalée une fois encore...Bonne route!

  • #4

    Médéric (mercredi, 15 août 2018 01:30)

    Et le casque, Alice, c'est pour les chiens? Tu vas voir que ça va être à cause du voile, à tous les coups...

  • #5

    Valériane (mercredi, 15 août 2018 15:07)

    Très beau récit ! Merci.

    La question du droit des femmes est très intéressante en Iran. Ce pays à la particularité d'avoir donné une vraie place aux femmes dans les années 30 puis de leurs avoir tout repris dans les années 80.
    Les iraniennes ont eu le droit de ne pas porter le voile notamment pendant une cinquantaine d'années... Et se battent de nouveau pour son abolition.

  • #6

    jean-pierre (vendredi, 17 août 2018 15:41)

    dommage que vous ne soyez plus du voyage!

  • #7

    Lola lnogue@hotmail.com (mardi, 12 mars 2019 11:56)

    Quelle merveilleuse voyagé ça me inspiré pour faire plein de choses en Iran a partir de dimanche 17/03/19 si j'arriverai a faire la moitié de vous je serai ravie merci