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Iran – 2 semaines au Kurdistan, au rythme des rencontres


 

 

 

Ecrit par  Olivier

Publié le 26 juillet 2018


Bienvenue en Iran

29 juin 2018, nous arpentons nos derniers kilomètres turcs, les paysages deviennent de plus en plus secs, il fait de plus en plus chaud, ça y est, nous nous rapprochons de l’Iran.

L’Iran, un monument d’histoire bien sûr, une culture bien différente et c’est à la rencontre de l’hospitalité que nous espérons nous diriger. Nous avons lu tellement de choses sur l’accueil des iraniens et leur gentillesse, que nous passons la frontière avec cette envie d’aller découvrir tout ça par nous-même.

Mais c’est aussi à cet instant que nous prenons à nouveau conscience de l’accueil que nous avons reçu en Turquie et ressentons cette nostalgie de quitter un pays qui nous a tant donné, et personnellement m’a fait évoluer dans ma relation avec les personnes qu’on rencontre.

 

Au moment de recevoir le tampon de sortie du territoire, le douanier nous regarde, nous souhaite bon voyage et nous demande si on aimé son pays… A ce moment là, tous les bons souvenirs des dernières semaines remontent d’un coup et c’est avec cette boule au ventre que nous attaquons les premiers kilomètres iraniens.

La frontière, une nouvelle monnaie, une nouvelle culture, de nouvelles règles

Premiers kilomètres ou plutôt premiers mètres… nous voilà au poste frontière, tellement différent des précédents. Nous entrons dans une grande cour en terre où sont installés des bureaux « algeco » et où se mélangent policiers iraniens et civils de tous les âges (certains ont moins de 10 ans) qui naviguent ici sans raison apparente.

Les douaniers nous conduisent vers un guichet pour faire tamponner notre passeport et en profitent pour nous distiller quelques conseils : « faites attention à vos affaires, ne faites confiance qu’à la police et pour changer de l’argent, n'allez que dans les banques, ce sont les plus fiables,  etc… »

Alors, si je vous dis que cet épisode se déroule moins de 5min avant qu’on nous propose de changer de l’argent ici au marché noir, en plein coeur du poste frontière ??? Et que nos nouveaux billets sont comptés quelques mètres plus loin par le même policier qui nous avait invités à ne faire confiance à personne ??? Bienvenus en Iran J

Ah oui… je dois quand même vous expliquer pourquoi nous changeons de l’argent et pourquoi on le fait au marché noir !! Très simple : nos cartes de crédit sont bloquées en Iran, quelle que soit l’opération. Non non non, je vous vois venir : on n’a PAS fait de bêtises ! Il s’agit d’une simple réponse d'un pays à toutes les sanctions internationales à son encontre. Notre unique source de "revenus" des prochaines semaines sera donc de faire du change d’Euros ou Dollars.

Mais alors ceux qui ont suivi vont me dire : « et ce conseil de la police d’aller faire du change uniquement dans les banques ??? » Beh, le taux au marché noir est 80% plus favorable que celui pratiqué dans les bureaux officiels et fixé par le gouvernement, alors faites votre choix les amis, nous on a fait le nôtre !

Reste maintenant à nous habituer à la vraie vie de cette monnaie. Outre son taux qui varie chaque jour suite aux derniers évènements internationaux (dont un famous président au prénom rappelant celui d’un co.. euh canard ne serait pas étranger…), nous devons jongler entre les Rials (la monnaie sur les billets) et les Tomans (l’unité utilisée par tout le monde dans la rue) En gros, on te parle en Tomans, tu payes en Rials, en sachant que 1To = 10 Rials. Vous me direz, la conversion est pas bien compliquée, mais au début ça perturbe un peu, surtout quand tu connais pas encore les prix. C’est tout bon, c’est clair pour tout le monde cette histoire de monnaie ?

 

Alors…frontière atypique, monnaie appréhendée, nous reste encore et surtout à nous adapter aux nouvelles règles du pays et à la découverte d’une nouvelle culture.

 

L’Iran, c’est un pays dont nous attendions beaucoup en termes de dépaysement, géographique, mais surtout culturel. Le premier signe visible (et la première épreuve ?) sera l’obligation pour Emeline de porter voile, tunique manches longues et pantalon large. Impossible pour moi de mesurer et donc de vous transmettre ses propres sentiments à ce moment-là, alors je lui passe la plume quelques instants pour qu’elle vous explique.

 

// Pour des raisons politiquement correctes  et de prise de recul, la vision d'Emeline sur son ressenti en tant que femme en Iran a été publié en Ouzbékistan  et se situe en bas de la page de cette article//

 

Notre plan de route est simple : direction Téhéran et la grande valse des visas pour les pays en « stan », et donc la visite des ambassades. Nous devons aussi y retrouver dans quelques jours Alice qui vient partager quelques kilomètres pendant 3 semaines. Nous étudions alors le planning et la carte, puis décidons d’aller passer nos deux premières semaines au Kurdistan, le long de la frontière irakienne. On a le temps, et sur le papier ce sont des montagnes, des paysages de fou, des gens adorables, en bref c’est joli alors on va y faire un… ???...mais oui, un DETOUR !!!!!!

 

 

 

 

 

 

Il est pas fait pour nous ce panneau ???  

 

 

Après une première nuit au bord d’une rivière quelques km après la frontière, nous prenons la route et sommes rapidement arrêtés sur le bord de la route par quelques personnes avec du matériel photo/vidéo. Quelques minutes plus tard, Emeline est devant un micro pour une interview et nous sommes filmés pour apparaître à la TV iranienne dans un documentaire sur la région que nous traversons. L’espace d’un instant, on a cru que tout l’Iran savait déjà que les RayonMix venaient d’arriver !!! Bon bin peut-être pas encore, finalement…

 

Nous roulons toute la journée sous un soleil de plomb, le long d’une grande route en montée avec peu d’endroits pour trouver de l’ombre et prendre une pause. Le thermomètre d’Emeline affichera plus de 50° en plein soleil.

Nous décidons alors de pousser jusqu’à la ville de Salmas pour essayer de trouver un hébergement. Le temps de faire une course, demander où nous pouvons poser la tente, on nous indique le parc un peu plus loin. Sur la route, comme nous nous approchons de la mosquée, demandons s’il est possible d’y rester pour la nuit, sans succès. Le parc sera donc bien notre solution du jour !

Jusque-là, mes premières impressions sont assez mitigées. Beaucoup de personnes viennent à notre rencontre, se préoccuper de ce dont on a besoin et comment ils peuvent nous aider. Un accueil bienveillant, une vraie gentillesse. En revanche, on ne rencontre quasiment que des hommes dans la rue et ils ne s’adressent qu’à moi, ignorant pour la plupart Emeline. Un mélange assez perturbant et tellement différent de nos dernières semaines. Il faudra probablement nous adapter à cette nouvelle culture…

  

 

Une fois au parc, tout s’emballe. Nous sommes l’attraction de la soirée (2 touristes à vélo, vous imaginez ???) Plusieurs personnes viennent nous parler, nous expliquer que nous pouvons nous poser ici ou là et d’autres nous expliquent de faire attention, que ce n’est pas très « sécure » pour la nuit… Dans le doute, nous acceptons la proposition du patron de la piste de roller à dormir dans l’enceinte, sur la piste à côté des trampolines. Et c’est ici qu’Emeline va faire la connaissance de Martha et ses amies. Une belle rencontre, « entre femmes » cette fois-ci, une rencontre qui fait du bien et qui occupe cette soirée jusqu’au bout de la nuit, les nouvelles amies d’Emeline nous quittant vers 2h du matin. Un instant chaleureux, plein de sincérité, de rires, de regards complices et d’émotions, là encore, bienvenue en Iran !

 

 

Au rythme des rencontres…

La suite de notre périple au Kurdistan sera marquée par l’enchaînement de rencontres et de paysages. Nous sommes venus ici pour en prendre plein les yeux et plein le cœur, et nous avons été servis.

 

Après la folle soirée roller, nous prenons conscience de cette volonté permanente des iraniens de nous aider : le matin, le patron nous rejoint et s’excuse de ne pas avoir été assez disponible la veille et ne pas avoir pu nous aider comme « son devoir » l’exigeait. Oui oui, son « devoir », c’est bien le mot qu’il a employé. J’essaie de lui expliquer combien cet hébergement pour la nuit nous a été agréable, mais ce n’est pas assez pour lui. Il nous guidera dans la ville jusque la gare routière, puis un carrefour où il stoppera le bus que nous souhaitons prendre et ira négocier pour embarquer les vélos et le prix des billets.

Nous voilà donc en route vers Piranshahr, en bus pour éviter la route pas très agréable comme celle de la veille, sous un gros soleil et avec une forte circulation. Notre bus s’arrête à Orumieh où nous faisons la rencontre d’Amin, un étudiant de 23 ans qui rentre chez lui voir ses grands-parents. Il nous aborde spontanément, nous demandant s’il peut nous aider. Nous saisissons l’occasion d’être accompagnés pour réserver notre second bus. Fruit du hasard, il va lui aussi à Piranshahr ! Il négocie nos billets (et le prix pour les vélos) et nous conduit jusqu’au bus. Une fois à destination, nous échangeons quelques mots et nous voilà invités chez ses grands-parents pour le déjeuner. Nous resterons finalement jusqu’au lendemain matin, profiterons d’un moment chaleureux en famille, accueillis tels des amis proches. Sentiment de tristesse à l’idée de les quitter quand nous les saluons le lendemain matin, lui et son grand-père, alors que 24h auparavant, on ne les connaissait pas. Court moment de partage, mais d’une grande intensité.

 

Après les terres arides des premiers jours qui nous ont amenés à prendre le bus, c’est bien en vélo que nous reprenons la route, au milieu des premières montagnes qui se chargent de plus en plus un peu de verdure au fil des km. Direction Sardaasht dont on nous a dit le plus grand bien. C’est une jolie ville perchée le long d’une colline, dans laquelle nous ferons une pause pour pique-niquer. Emeline partira à peine 10 minutes pour faire quelques courses et me retrouvera au milieu d’une bonne trentaine de curieux venus voir les vélos et les touristes que nous sommes. Espace vital réduit, un peu oppressant par moment, mais plein de bienveillance et assez rigolo au final. Il en sera de même quand nous nous installons au parc, les regards et les invitations à prendre un thé, venir déjeuner ou plus, se cumulant.

La suite de notre chemin sera du même acabit, les voitures s’arrêtent devant nous, les gens descendent, nous stoppent, nous offrent des abricots, de l’eau, nous invitent et surtout, viennent prendre la désormais traditionnelle photo avec nous J

 

Des anecdotes comme celles-ci, je pourrais vous en raconter des dizaines sur ces premiers jours, entre les familles parties en piquenique qui nous proposent des fruits après 20 minutes à échanger sur le bord de la route, le motard qui s’arrêtent le temps de nous offrir 2 énormes kebabs dans du pain à 19h30 et ceux qui, ne parlant pas anglais me tendent leur téléphone après avoir composé le numéro d’un ami anglophone (la plupart du temps alors que je viens seulement de commencer à manger ma glace… c’est agaçant non ??? J).

 

Et puis, après celle d’Amin, il y a la rencontre de Suleiman et de sa famille.

Nous roulons tranquillement en direction de Marivan ce matin. Le temps de nous arrêter en chemin acheter de l’eau, une voiture se gare, un jeune homme et ses parents à bord. Le jeune descend, me tend la carte de visite d’une organisation de cyclistes locale. Il compose un numéro, me passe le téléphone et quelqu’un m’explique qu’il est membre de cette organisation, qu’il vit à Marivan et peut nous aider. Le son est malheureusement assez mauvais, nous ne nous comprenons pas complètement et la conversation s’interrompt. Nous repartirons, sans connaître notre destination précise pour le soir, probablement avant Marivan vu le nombre de kilomètres. Et puis finalement, nous roulons mieux que prévu et arrivons à quelques tours de roues de la ville quand soudain, la même voiture que le matin nous double, ralentit, me fait des signes que je ne suis pas sûr de comprendre et reprend son chemin. Quelques kilomètres plus loin, à l’entrée de la ville, 2 personnes nous font des grands signes et nous arrêtent. Il s’agit de Suleiman que j’ai eu au téléphone quelques heures auparavant, et de son frère. Ils ont été appelés par les gens de la voiture qui les ont prévenu de notre « arrivée en ville » et sont venus nous intercepter. Après quelques échanges, nous voilà partis derrière leur voiture dans les rues de la ville, nous sommes conviés à diner, dormir et rester chez eux autant qu’il nous plaira.

En plus des 2 frères, nous sommes accueillis par Rose, la sœur de Suleiman, leur maman et leur grand-mère, toutes les 3 armées d’un sourire qui nous fait chaud au cœur. Nous passons une soirée en famille, entre la fin du match France-Uruguay, un plat de poisson/riz/légumes, et surtout des rires, des échanges et un essayage des tenues traditionnelles kurdes.

 

 

La soirée se terminera par un instant magique, musique et chants typiques kurdes par notre hôte.

 

Le lendemain matin, les 3 frères et sœurs nous font visiter une partie de la ville, notamment le Zrebar Lake, nous gardent à déjeuner. Nous ne reprenons la route que vers 17h30… Suleiman prend son vélo pour nous accompagner à sortir de la ville. Assez vite, nous sommes rejoints par ses amis de l’association de cyclisme et nous arrêtons dans un petit parc pour dire au revoir à tout le monde. Là, nous attend une jolie surprise puisqu’on nous remet une carte de membre d’honneur et un diplôme pour témoigner de notre passage chez eux. Une attention très touchante qui me laisse encore aujourd’hui quelques frissons et qui a encore rajouté de l’émotion à ce nouvel adieu. 

 

 

Une vérité se répète jour après jour dans notre périple : si chaque rencontre est différente, chaque départ est chargé d’émotions et nous touche. Quitter ces nouveaux amis, d’une heure ou d’une journée, est à chaque fois un peu plus dur…

Et ce sont bien ces instants qui font la richesse de notre voyage aujourd’hui. 

 

Les journées suivantes s’enchaîneront au beau milieu des montagnes, le long des pentes raides en direction de la vallée d’Uraman. Nous grimpons les 100aines de mètres de dénivelés, au rythme de la chaleur. Départ tôt le matin à vélo, une longue pause entre 13h et 17h environ (picnic, sieste, lecture, …) puis de nouveaux kilomètres avant de trouver notre spot de bivouac. Après 2 jours de route, nous trouvons un campement au sommet d’une longue montée, aux portes de la vallée, là où la route est creusée entre les falaises. Nous avons une vue imprenable sur les sommets alentours qui séparent cette région de l’Iran du Kurdistan Irakien à quelques centaines de mètres de nous.

 

Ce sera le point de départ de la descente, direction Uraman et autres villages accrochés à flanc de falaise. Nous traversons des endroits retirés, perdus au milieu de cette montagne, nous demandant régulièrement comment et pourquoi, il y a 2000 ans, les habitants ont souhaités installer leurs villes dans des lieux aussi inaccessibles.

Les locaux eux même n’ont pas la réponse, mais ici encore, l’accueil est chaleureux et sincère, en témoignent notre déjeuner chez Jacob, à admirer les doigts agiles de sa maman en train de fabriquer des chaussures typiques kurdes et nous régaler d’un plat de viande de poulet et légumes verts, ou encore ce couple de « papy/mamie » qui nous invite à prendre un thé et viendront même donner la becquée à Emeline qui, repue, refuse poliment le pain/yaourt qui nous est proposé. Une grande convivialité et de partage autour d’un regard et d’un sourire, alors que nous ne parlons toujours pas persan et qu’ils ne comprennent pas l’anglais.

 

 

Parce que ce sont les rencontres qui rythment maintenant notre quotidien, notre voyage, notre humeur, nos sourires et notre envie d’aller encore plus loin, vers de nouveaux détours…

 

 

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Quelques jours après notre arrivée à Téhéran, Anne-Laure, voyageuse au long cours rencontrée à l’auberge m’a posé 3 questions dont mes réponses résument à mon sens toute la partie « hors paysages » de cet article, les voici…

Qu’est ce qui te fait Sourire ?  – les rencontres que nous faisons au quotidien

Qu’est ce qui te fait Pleurer ?  – devoir quitter ces personnes aussi vite

Qu’est ce qui te fait Rêver ?     – les prochaines rencontres que nous allons faire…  

 

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Quand Olivier m'a demandé de poser par écrit mon ressenti en tant que femme sur mon séjour en Iran, je me suis demandée ce que j'allais bien pouvoir raconter. Il est toujours difficile de retranscrire ses émotions et son état d'esprit sur un blog qui se veut juste être un blog de récit de voyage... Comment rester le plus objectif possible sans froisser un pays dont les habitants font preuve d'une hospitalité et d'une générosité qui dépassent largement ce que l'on avait en tête ? Mais beaucoup d'iraniens rencontrés nous l'ont dit "ce sont 2 choses différentes : notre gouvernement et les iraniens". Alors je le répète : je fais une distinction entre la majorité des iraniens et le gouvernement + minorité d’iraniens.

 

Je pars déjà du constat que je ne suis pas quelqu'un de pratiquante, encore moins croyante en une quelconque religion. Je crois en moi (et en mon vélo !) c'est déjà pas mal.

J'ai aussi envie de rajouter que je crois en l'égalité homme / femme. Même si sur certains éléments on est bien évidemment différents et que les femmes ont besoin des hommes et inversement. Par exemple si je porte moins de bagages qu'Olivier, ce n'est pas parce-que je suis une femme mais parce que je suis plus petite et moins lourde!

La chaleur que nous avons rencontrée en Iran influence aussi très certainement mon état d'esprit. Ça se voit bien que le gouvernement n'a jamais roulé à vélo en tunique, pantalon long et voile par 45°...

Le fait d’avoir voyagé en vélo prend aussi une constante importance : mon sentiment aurait probablement été très différent si l’on s’était contenté de voyager en sac à dos, en transport en commun et en allant de lieux touristiques en lieux touristiques.

Ces quelques mots ne sont que MES ressentis et émotions de ces 51 jours passés en Iran.

 

Alors j'avoue les 1ers jours ont été très durs... Triste de quitter la Turquie qui nous avait appris l'échange, la générosité, l'hospitalité (notre 1ère claque du voyage en terme d'humanité), de devoir rallonger mes manches de pantalon, revêtir une tunique longue (en dessous des fesses) et un voile en dessous du casque... Je me suis sentie oppressée, enfermée et très en colère contre ceux qui, à nous les femmes, nous contraignent à (selon moi) des absurdités aussi grande que leur connerie. (Je parle du gouvernement).

Mes 1ères rencontres n'ont pas été évidentes non plus, et je les compare inévitablement avec celles de Turquie et à celles que je m'attendais avoir par rapport à ce que l'on m'avait raconté et ce que j'avais lu.

- on ne me sert plus la main

- on s'adresse essentiellement à Olivier

- on oublie la plupart du temps de me demander mon prénom, mon métier ou alors on pose la question à Olivier...

=> Mais je suis là !! J'existe ! Je suis aussi un être humain ! Je parle,  j'écoute, j'entends, je mange, je bois et je vais même faire caca comme vous !

 

Alors j'avoue je me renferme et bougonne... Je subis ... 

Et je n'arrête pas me poser ces questions sans avoir de réponses, ce qui m'agace encore plus (j'aime bien comprendre de façon générale) : mais d'où la femme doit porter un voile ? De quel droit des *** au pouvoir peuvent restreindre autant de liberté? Que représente-t-on vraiment ? Est-ce une question de religion ? Pourtant en Turquie, Maroc, Syrie, Jordanie, tous ces autres pays à dominante musulmane que j'ai eu la chance de visiter ne m'imposent pas de voile. Bien sûr je respectais un code vestimentaire mais sans voile.

Bref ... Je commence à pédaler en Iran à reculons et au sens figuré, la tête dans le guidon...

 

Et puis, … "Il se passe toujours quelque chose de surprenant " (en Iran, cet adage a détrôné notre traditionnel "on fait des détours parce que c'est joli")

Nous avons fait des rencontres qui m'ont redonné le sourire et qui m'ont redonné confiance en mon existence ici en tant que femme : celle de Marta et ses copines à la soirée roller, celle d'Amin qui nous a invité à passer un peu de temps chez ses grands-parents, celle de Suleiman et sa famille, celle de Nazi et Saied... (Liste non exhaustive.)

Dès que j'ai franchi la porte de leur maison, on m'a proposé d'enlever mon voile, les hommes m'ont parlé en me regardant dans les yeux, en s'adressant à moi, en m'écoutant... J'avais enfin l'impression d'exister...

Il y aurait donc un Iran à 2 vitesses ? Celui feutré de l'intérieur des maisons à l'abri du regard des pays / gouvernement et l'autre brut extérieur où on aurait peur ?

 

Après un pique-nique au bord d'une rivière au Kurdistan, en attendant que la chaleur passe (ou j'ai encore du râler parce que j'aurais aimé me baigner) dans la montée caillouteuse, j'ai comme une illumination. Soit je continue à râler et à subir tout ce que je ressens et je raterai sûrement toute la richesse de ce pays soit j'avance et je deviens active à mon échelle. Alors je décide de réagir. 

Aux hommes qui ne me serrent pas la main par respect, pas de problème ! Je leur dis bonjour la main sur le cœur.

A ceux qui oublient de me demander mon prénom et autres questions personnelles ou passent par Olivier, je leur réponds droit dans les yeux avec un grand sourire.

On adapte un stratagème avec Olivier pour leur prouver que, oui, en tant que femme j'existe au même titre que lui : c'est moi qui négocie tous les prix ou autres et Olivier se met en retrait, c'est moi qui explique notre voyage, etc... A notre petite échelle on leur montre que la femme peut être au même rang que l'homme.

 

Quand on passait un peu de temps avec les gens chez eux, je découvrais souvent des "curiosités" (en vrac et sans citer les noms): 

- à une femme qui me dit qu'elle fait du yoga dans un cours mixte je lui demande si elle doit se voiler (car pas très pratique). Elle me répond que "bien sûr que non" mais que ces cours sont "secrets"

- A une jeune fille de 23 ans à qui je donne un coup de main en cuisine (pendant que les hommes discutent sur le tapis du salon... J'aurais dû mettre Olivier aux fourneaux tiens j'y pense !), elle me glisse à l'oreille en me regardant " la France et l'Iran c'est très différent, j'aimerais beaucoup avoir les cheveux très courts comme toi , mais moi je ne peux pas ici"

- Dans une famille où nous passons la nuit et qui semble très pratiquante mais accepte que j'enlève mon voile, on nous fait admirer les portraits de Khomeini ( C'est monsieur l'imam leader qui s'est dit qu'il serait bien de relancer le marché du voile et en a alors rendu le port obligatoire aux femmes). En revenant nous asseoir le fils étudiant nous explique en anglais (ses parents ne parlent pas anglais l'aurait il fait sinon ?) que cet imam a permis d'instaurer ce qu'il y a aujourd'hui au pouvoir : une dictature. (C'est le mot qu'il emploie).

Joli clin d'œil ... Quelques heures plus tôt, sa maman me montrait les albums photos de son mariage et de leur famille il y a une 40aine d'années. Je la découvre sans voile, jean moulant, tee shirt près du corps...

 Et j'aurais encore beaucoup d'exemples.

 

L'arrivée de ma super copine Alice, venue rouler avec nous 3 semaines, m'a fait beaucoup de bien : une femme avec qui je pouvais partager à l'instant T mes ressentis. 

Chose curieuse : on l'a présentée comme la sœur d'Olivier et moi  comme sa femme et non plus sa simple compagne. Il nous a semblé remarquer que les hommes adressaient plus facilement la parole à Alice qu'à moi "mariée" à Olivier. Selon nous, par respect pour lui... 

 

Je suis quelqu'un qui pose beaucoup de questions et aime bien comprendre. Tout ceci a valu de grands questionnements et débats autour de ça. Nous ne pouvons aujourd'hui pas faire grand-chose, je ne pense pas que ce doit être notre rôle que d'imposer ce que l'on jugerait comme normal dans un pays dont la culture est tellement différente de la nôtre (nous avons déjà suffisamment fait souffrir dans les pays que nous avons colonisé en imposant nos lois, cultures et religions... Mais ceci est un autre débat).

J'ai senti au sein de la jeunesse un souffle de ras le bol, de prise de conscience qu'ailleurs c'est différent. Beaucoup de jeunes étudiants que nous avons rencontrés souhaitent partir à l’étranger. Malheureusement pour des questions de visa tout ceci est compliqué.

Au cours d'un des nombreux débats avec Olivier et Alice, (et Alice l'a très bien raconté dans son article) nous sommes arrivés au constat que nous pouvions par contre continuer à venir dans ce beau pays aux paysages sublimes et si variés, à l'hospitalité étonnante de ses habitants,... A faire du vélo, nous les femmes, à leur raconter comment est notre quotidien en France.

 

Alors est ce que je recommanderais ce pays en voyage à vélo ? Après mes longues phrases je vais peut-être vous suspendre ... Mais oui, prenez votre vélo, mettez le dans l'avion et partez découvrir l'Iran. Vous serez éblouis par les paysages, les villes anciennes, la générosité et l'accueil des iraniens.

Et si vous êtes une femme, prenez du recul et tout se passera bien. (Et puis beaucoup de touristEs croisées n'ont pas eu le même ressenti, tout est propre à chacun et au type de voyage).

 

Pour moi notre voyage à vélo représente aussi sortir de sa zone de confort, se questionner, prendre du recul... Objectif rempli pour l’Iran !

 

 

Si vous voulez en voir plus, c'est par ici !!!


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Commentaires: 3
  • #1

    Amandine (vendredi, 27 juillet 2018 12:36)

    Incroyable !
    OMG 54°C ! Chez nous il fait 36 et on est déjà au bout de notre vie (et on est pas obligée de porter manches longues et voile).
    Quel plaisir de découvrir cette gentillesse et la solidarité des gens au fil de votre périple. C'est là que l'on se rend compte à quel point notre société est individualiste. Les rencontres sont aussi mémorables que les paysages lors des voyages (c'est d'ailleurs au Canada qu'on s'est rencontré Emeline ;)). J'avais limite les larmes aux yeux en vous lisant et en regardant la vidéo ! Ce village à flan de falaise, il est magique !
    Mdr le "parachute" pour la descente !
    L'Iran est un pays que j'apprécie beaucoup de part sa culture (littérature et cinéma notamment), merci de me le faire découvrir avec vos yeux !

    Bonne route pour la suite, je continue à vous suivre !

  • #2

    Adeline (vendredi, 27 juillet 2018 14:02)

    Exceptionnel!
    Merci pour ce reportage qui donne des frissons ( malgré la chaleur! !) tellement vous êtes dans le vrai et l'authentique!
    Au plaisir de lire les ressentis de Mix!!
    Et de vous suivre encore en musique!
    Joyeux détours!

  • #3

    Hélène (vendredi, 27 juillet 2018 15:36)

    Cette fois vous m'avez fait pleurer tellement d'émotions c'est superbe et super pour vous quel accueil prenez soin de vous avec la chaleur soyez prudents je vous aime très fort gros bisous