· 

Traversée des Andes par le Paso San Francisco et ses lagunes


Ecrit par Emeline

Du 24  au 29 février 2019


De La Serena au Chili à Copiapo. 300 et quelques km, de l'autoroute (une vraie, comme celle de Toulouse à Marseille), un paysage plus que moyen, des bivouacs... parce-que il faut bien dormir... bref ce trajet n'est pas une équipe gagnante... avec du recul, on se demande même pourquoi nous n'avons pas pris un bus ou fait du stop. Le seul avantage que j'y vois... on se sera mis à jour sur nos podcasts !

 

Après 2 nuits passées à Copiapo, ville minière sans grand intérêt touristique mais avec glaciers et supermarchés, nous reprenons la route en direction de l'Argentine par le Paso San Francisco (4726m). Avant de passer dans la vallée argentine, nous faisons un détour par le parc Tres Cruces et allons admirer la lagune Santa Rosa.

 

Le parc Tres cruces et la laguna Santa Rosa

Notre hôtel ne pouvant pas nous renseigner sur la possibilité de trouver de l'eau en route, nous passons à l'office du tourisme. La dame est formelle : pas d'eau sur la route jusqu'en Argentine. Je sais qu'il y a un camping dans le parc : "peut-on avoir de l'eau là-bas ?", prise d'un doute, elle appelle le proprio du camping et me le passe au téléphone. Ce monsieur me confirme que l'eau du lac est salée et que les rivières en chemin sont toutes asséchées. Il poursuit en nous disant qu'il est en ville et repart dans 20 min dans son camping et qu'il peut nous monter de l'eau. Nous acceptons avec joie sa proposition et Olivier file acheter 2 grosses bouteilles d'eau : 12L nous attendront à la lagune !

 

La sortie de Copiapo n'est pas des plus originales et poétiques : une route poussiéreuse, des habitations faites de tôles à la sortie du centre ville, des déchets, des camions desservant les usines en périphérie. Mais rapidement nous respirons à mesure que cette agitation disparaît. Il fait chaud, nous roulons sur une route asphaltée qui nous renvoie la chaleur emmagasinée, le vent chaud nous assèche, pas d'arbres, pas d'arbustes, pas d'ombre, ... Pour midi, nous bénissons pour la 1ère fois un énorme pylône électrique qui déforme le paysage et profitons tant bien que mal de l'ombre discrète de ses pieds.

 

Heureusement les Andes sont toutes proches et nous retrouvons rapidement du relief au fil de nos coups de pédales. La bifurcation vers le parc Tres Cruces nous fait quitter l'asphalte et continuer sur une piste compacte et agréable. La vallée devient plus étroite. Nous apercevons éparpillés dans les plis de la montagne quelques troupeaux et habitations souvent abandonnées et délabrées. La pente est douce mais nous montons surement au gré des virages de cette vallée.

 

Avec la chaleur de la journée, nous avons beaucoup bu. Nous arrêtons un 4x4 pour lui demander de l'eau. Ce sont des chiliens qui redescendent de la montagne, le coffre rempli d’énormes bonbonnes. ils s'empressent de nous remplir nos gourdes. "Agua de la Cordillera"; l'eau est fraîche et bonne, un régal avec la journée poussiéreuse et écrasante de chaleur. Ils nous offrent également de la menthe fraîche. Un peu plus haut, nous croisons le proprio du camping qui devait monter notre eau. Il s’arrête pour s'assurer que nous n'avons besoin de rien. "vous avez une maison abandonnée dans quelques km avec une petite source d'eau à côté". Il est 19h, nous avons 90 bornes et plus de 1300m de D+ dans les pattes, le timing est parfait ! Tout comme l'endroit !

 


Nous sommes encaissés dans notre vallée, le soleil tarde à venir ce matin mais dès que ses rayons viennent chatouiller les pans de la montagne, c'est une explosion de couleurs et de douceur. Une journée complète de montée nous attend. J'aime ces journées où nous avançons doucement et où chaque mètre vient nous élever toujours un peu plus. La piste est bonne et serpente toujours le long d'une rivière partiellement asséchée où par moment un filet d'eau resurgi de terre et vient parsemer du vert dans ce décor minéral. Peu de voitures viennent troubler ces doux moments. Le long de cette vallée nous apercevons troupeaux et abris sommaires. Nous montons sans mal d’altitude et posons notre tente en bordure de route à 3300m.

 

 

Le lendemain matin le col nous attend. La pente se fait plus raide, la piste un peu plus sablonneuse et le vent de face. Nous ne forçons pas et nous arrêtons de temps en temps pour souffler et profiter du paysage.  Des lacets nous accompagnent pour la dernière montée jusqu'au col à 4132m où une crevaison vient nous freiner dans le dernière ligne droite. Le vent claque au sommet. Nous enfilons nos Gore-Tex et profitons de la vue avant la descente : la lagune Santa Rosa se fait discrètement apercevoir au loin dans une sorte d'écrin gris. 

 

Descente - Lagune - camping. Nous arrivons au camping de la lagune où nous récupérons nos bonbonnes d'eau. On nous offre un verre de citronnade et du melon d'eau, un régal ! Nous en profitons pour nous promener le long de la lagune avant de reprendre nos vélos. La piste nous emmène vers le poste de douane chilien à travers un plateau gris où nous souhaitons passer la nuit. Le dernier km avant la jonction avec la route asphaltée nous réserve une petite surprise : du bon sable épais où nous poussons les vélos. Fin de journée, je suis claquée, dans les derniers km, je me cale dans la roue d'Olivier qui me protège du vent. (pratique!)

A la douane, les douaniers nous proposent tout naturellement de dormir ici abrités du vent qui souffle fort. Ils ont un dortoir déjà occupé par un couple de chilien en moto. Ils ont fait une chute, la passagère a la cheville dans une attelle et attend une ambulance. On nous propose de nous installer dans l'infirmerie. Le passage de la frontière attendra demain !

 

La laguna Verde

 

Après une nuit plus ou moins paisible, (mais moins : essayer de dormir sur un lit d'examen médical, je vous assure que je préfère mon matelas!), nous réparons une énième crevaison et passons à la douane chilienne pour un tampon de sortie. Une grosse centaine de km nous attendent pour le Paso San Francisco. Un renard vient nous dire bonjour quand nous passons la douane avant de s'enfuir.

 

Il fait beau, ciel bleu et soleil sont au rendez-vous. La pente est douce, la route asphaltée, la montée est donc facile. Les paysages sont magnifiques et surréalistes : des plateaux de sable et terre grise entourés de montagnes toutes différentes, certaines enneigées, d'autres aux tons orangés, rouges... Pour le pique nique du midi nous nous posons en bordure de route à quelques mètres d'un canyon où coule une rivière. nous en profitons pour refaire le plein d'eau, d'une eau légèrement salée qui nous permettra de cuisiner sans bouillon et fera très bien l'affaire.  

 

L'après midi nous passons un 1er col à 4600m et profitons de la descente vent de dos pour avaler des km, ce soir nous voulons dormir à côté de la Laguna Verde où il y a des sources d'eau chaude.

 


 

En route nous croisons un refuge sommaire où l'on peut à peine mettre 2 matelas mais qui protège du vent. Les paysages nous régalent encore : palette de couleurs et sensation de solitude. Et surtout l’arrivée à la lagune Verde est grandiose. Nous l'apercevons de la route en hauteur. Moment enchanteur !

 

Nous bifurquons sur une petite piste pour accéder à son refuge et ... déchantons en 3 secondes quand nous nous retrouvons face à un véritable mini camp de base : refuge plein, camps de tentes jaunes et oranges, grandes tentes "mess" servant de cantine, et pick-up. WTF ??????? Nous nous imaginions plutôt une soirée peinard profitant SEULS des sources d'eau chaude et de la vue. Deviendrait-on solitaires et/ou associaux ? Peut-être, probablement, en tout cas nous avons pris l'habitude grâce à nos vélos de profiter des merveilles de la nature la plupart du temps sans personne ! Alors c'est la mine déconfite que nous pénétrons dans le refuge pour y découvrir une ruche d'alpinistes tous plus équipés les uns que les autres : équipements dernier cri, vêtements neufs et propres, caisses de nourriture pleines à craquer, bonbonnes d'eau, énorme réchaud à gaz... Bref nous détonnons dans cette foule de professionnels avec nos habits délavés du soleil et vieillis des km de poussière. Mais à peine avons-nous franchi la porte que l'on nous tend des tasses de café fumantes et du chocolat. Comment ne pas retrouver le sourire ? Plusieurs groupes d'alpinistes sont présents dont un groupe de barcelonais qui organise des courses (comprendre ascension de sommets) dans le cadre d'une association de lutte contre le cancer des enfants. La plupart d'entre eux ont déjà tous grimpé un sommet à plus de 8000m sans oxygène. Nous sommes comme des enfants à les observer, à leur poser des questions. jusqu'à ce que la tendance s'inverse! Ces monstres des sommets hauts nous interrogent, nous bombardent de questions pratiques, n'en croient pas leurs oreilles ou leurs yeux quand Olivier leur montre notre compteur avec le total de km. Ils sont impressionnés par notre aventure que nous trouvons "commune", et nous sommes admiratifs devant leurs ascensions qu'ils trouvent "modestes"; aucune logique d'exploit ne semble donc exister! 

 

Au milieu de ce champ de tentes, nous trouvons une place pour la notre, abritée du vent par un muret de pierre. Nous cuisinons dans le refuge et profitons des sources d'eau chaude, un repos salvateur !! Notre coin de bivouac nous offrira un petit déjeuner 4 étoiles à 4300m!

 

Le Paso San Francisco

 

Seulement un petite 20aine de km nous attendent pour passer le col de San Francisco qui représente la ligne frontalière entre le Chili et l'Argentine.  En sortant du camp de la Laguna Verde nous croisons un allemand à vélo en sens inverse du notre, nous papotons une bonne demi heure avant de reprendre la route vers ce fameux col. Il nous faudra 2 petites heures pour y parvenir. Le vent souffle fort. Nous nous abritons dans le refuge au col pour manger et réfléchissons à la suite. De ce refuge nous avons la possibilité de faire l'ascension du volcan San Francisco, un petit 6000m "en basket", nous hésitons beaucoup pendant le picnic mais décidons de continuer la route. Nous ne sommes pas confiants pour laisser toutes nos affaires et vélos le lendemain pendant la durée de l'ascension. Un autre 6000m nous attend en Bolivie !

 

Dans la descente le vent tourne et nous le prenons pleine face, nous ralentissant bien. A 20 km du col nous présentons nos passeports à la douane Argentine et reprenons la route pour accéder à un autre refuge (sur cette partie argentine, des petits refuges sont là tous les 20/30 km ). Les paysages changent, le gris sablonneux du sol est remplacé par des arbustes jaunes et ras avec des Vicunas (le cerf local, en troupeau un peu partout ici). C'est avec un ciel gris et sombre que nous arrivons dans le refuge n°5 où nous posons la tente.

 



A la découverte de la Catamarca

 

En passant la frontière entre le Chili et l'Argentine, nous entrons dans une nouvelle région : la Catamarca. Une région isolée longeant la frontière chilienne et où les noms de ville résonnent comme synonyme d'aventure : Antofagasta de la Sierra, Tolar Grande, Salar de Pocitos... Avant d'aller découvrir ces paysages isolés d'altitude, nous redescendons dans la vallée vers Fiamballa et Tinogasta pour quelques jours de repos. Au fur et à mesure de nos coups de pédales, nous retrouvons de l'eau et du vert. Même si ce scénario se répète à chaque fois, je suis toujours ébahie par ces changements : du gris au vert, du désertique à l'eau, de l'isolement à la civilisation...

 

La descente est un régal encore : asphalte, pas de vent, on a l'impression de voler. Nous roulons dans un canyon étroit avant de découvrir à basse altitude le nouveau paysage qui entoure Fiamballa. Une crevaison sur mon vélo nous ralenti de nouveau (on cumule en ce moment, mais la chambre à air commence à se faire vieille on ne peut pas lui en vouloir).

 

Nous sommes rapidement à Fiamballa où nous rêvons d'un repas frais et autres que pâtes et riz avant de reprendre la route. Alors que je fais 2/3 courses de fruits / légumes pour le bivouac, Olivier resté dehors avec les vélos, rentre en trombe dans le magasin "ma gore tex... je n'ai plus ma gore tex!!! je l'avais accroché sur le sac sur le porte bagage, elle a du tomber dans la descente". Je finis en express les courses et retrouve Olivier dehors. Il repart en sens inverse à vélo en me laissant ses sacoches. 1h30 plus tard il est de retour les mains vides. Nous décidons de prendre une auberge ici et d'essayer de trouver une moto pour refaire de nouveau le trajet. Impossible de trouver une moto à l’hôtel. Nous allons nous renseigner à l'office de tourisme où le monsieur tout naturellement nous tend les clefs de sa moto sans demander à Olivier s'il sait conduire ce genre d'engin.  (rassurez-vous Olivier a le permis moto). Cette 2nde tentative se soldera également par un échec... RIP petite Gore Tex... 

Petite ballade motorisée qui me permet de me conforter dans mon choix de voyage : le vélo c'est quand même mieux ! Et qui me fait dire que oui on peut avoir plus mal au c*** sur une moto que sur un vélo... quoique c'est peut-être une question d'habitude!

 

Le lendemain nous nous remettons en route pour Tinogasta pour prendre 3 jours de repos avant de partir découvrir la parte isolée de la Catamarca (et essayer de trouver une nouvelle veste de pluie / coupe vent pour Olivier)

 



Pour en voir plus c'est par là...


Écrire commentaire

Commentaires: 3
  • #1

    redondo (vendredi, 27 mars 2020 15:04)

    Bonjour
    Un grand bol d'air pour nous qui sommes confinés
    Ici plus de randos donc un grand plaisir et d'évasion de voir et revoir votre magnifique aventure.Les nouvelles nous sont fournies aussi par Claudine.
    A bientôt

  • #2

    Paquito Perez (vendredi, 27 mars 2020 15:16)

    J’ai franchi le Paso San Francisco dans l’autre sens il y a deux ans et j’en garde le souvenir d’un vent terrible dans le nez pendant toute la traversée et la même surprise chaleureuse de l’affluence autour des sources chaudes de la Laguna Verde
    Souvenirs souvenirs ....

  • #3

    MICHELINE (samedi, 28 mars 2020 00:06)

    Bonjour , Combien de temps serez vous confinés? nous , nous le serons sur jusqu'au 28 avril , mais ce ne sera pas suffisant . Nous ,nous sommes chez nous , mais j'espere que vous êtes bien , au bout du monde ? vous pouvez refaire votre voyage à l'envers avec ces belles photos ....peut-etre nous préparez vous un livre ?
    Gros bisous ? Protégez-vous