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Du Nemrut au Nemrut : d'un sommet à un volcan


Ecrit par Emeline / Montage vidéo par Olivier

Publié le 26 juin 2018


"Si vous avez le courage de vous taper la montée qui est rude (mais j'ai cru comprendre que vous aimez les montagnes) le site de Nemrut Dagi est incroyable. Le coucher du soleil y est fabuleux" nous écrit un ancien collègue d'Olivier. Il en faut peu pour attiser notre curiosité et nous décider à y faire un détour avant d'aller récupérer notre visa iranien à Erzurum.

Douce reprise : en route pour le Nemrut Dagi !

Nous repartons des Cappadoces en début d'après-midi les yeux encore éblouis par ces quelques jours passés à randonner.

Nos vélos ont pris une bonne douche, les chaines sont graissées, il n'y a plus qu'à appuyer sur les pédales... La reprise se fait en douceur. Les averses orageuses de ces derniers jours semblent avoir disparu, enfin, c'est ce que nous devinons en regardant le ciel : plus de gros nuages noirs et menaçants!

Nous réussissons l'exploit de pédaler 3 km avant ... de s'arrêter pour pique piquer, mais il faut dire que l'on n’avait pas encore mangé et que le lieu s'y prêter bien : un joli dernier panorama sur la vallée rose des Cappadoces.

 

On attaque par un petit col au milieu de beaux paysages de montagnes de quoi nous donner l’envie et le courage pour la reprise. Mais tout se passe "crème"… le repos a été bénéfique !

On reprend nos habitudes de bivouac et on se pose dans un lac asséché... Les nuages se sont posés sur les hauts sommets avoisinants et donne au paysage un côté féérique. Quelques gouttes s’invitent pour le repas.

 

Nous continuons notre progression en montagne avec un peu plus d’altitude (bien loin cependant de celles qui nous attendent au Pamir ou en d’Amérique du Sud !).

 

On reprend nos petites habitudes de route et on y ajoute quelques nouvelles : yoga pour moi le matin et gainage pour la team RayonMix ! (enfin… 6 matins… ou 5 ou un peu moins peut-être !).

 

Nos bivouacs en pleine nature se succèdent, les petites routes de montagnes aussi. On préfère largement prendre du dénivelé dans les jambes sur des petites routes que de « gagner du temps » en empruntant les grandes routes plus directes. Et on est à chaque fois récompensés par des paysages « de fou » et des rencontres magiques, que ce soit avec les bergers ou les personnes croisées le long de la route ou dans les villages traversés. Tout est prétexte à un bonjour, un sourire ou une invitation à thé ! (Olivier qui était plutôt consommateur de café en France et occasionnellement, voir de temps en temps, voir peu, voir pas du tout, fait honneur au çai et rattrape son retard de thés non bus en France. Pour moi franche amatrice de thé, je suis aux anges !)

 

Le profil topographique jusqu’au début de l’ascension du Nemrut Dagi est claire : en montagne russe nous montons puis descendons en 300 km ce que nous allons devoir remonter en un peu moins de 20 km !

 

 

Et un soir… nous nous retrouvons à une 10 aine de km du début de cette fameuse ascension ! (bivouac mémorable : belle vue et invasion de .. fourmis !)

L'ascension du mont nemrut : souffrance, dépassement de soi (bref on a fait du sport!) pour une arrivée grandiose

Ce fameux Nemrut c’est qui, c’est quoi, c’est comment ?

 

C’est le roi Antiochos 1er de Commagène qui s’est dit un jour « Tiens et si je faisais mon tombeau en haut d’une montagne ? Et si je rajoutais aussi un tumulus pour en faire la montagne la plus haute ? Et si je mettais aussi en plus de ma statue des statues des dieux ? » (Questions bien évidemment imaginées !). Plus sérieusement, le Mont Nemrut (ou Nemrut Dagi) culmine à 2200m d’altitude et abrite le tombeau de ce fameux roi Antiochos 1er de Commagène. Il ordonna la construction des temples et du temple funéraire. Il fit sculpter des statues de lui-même et des Dieux et les fit installer au sommet de cette montagne.

 

Et à grimper à vélo, ça donne quoi ? Ça donne que pendant bien 1 semaines après, il ne fallait pas me reposer la question de si j’avais envie d’y remonter en vélo à sacoches !

 

On avait parlé au début de peut-être laisser les vélos à Adiyaman et d’y monter en bus au vue de la montée quelque peu sportive (pente en moyenne à 10% sur des pavés avec certains passages à 18%, rajoutez à cela des vélos avec des sacoches !). Mais on est venu en vélo, on continue en vélo, on repartira à vélo ! Bref on a vite mis cette idée (absurde) de bus de côté !

 

La chaleur est bien présente alors on tente de partir un peu plus tôt que d’habitude pour viser une arrivée au sommet pour un picnic un peu tardif (la suite de l’article nous dira si on a été ambitieux … ou pas).

Le début est correct version montagne russe (mais ça on a l’habitude maintenant), mais les descentes nous donnent de l’élan pour les montées d’après. Les paysages magnifiques nous accompagnent encore. Les blés sont blonds et commencent à être ramassés, ce qui donne aux paysages des couleurs jaunes de déserts.

 

Vers 11h30, après une pause Helva (spécialité turc à base de sésame) nous entamons la vraie montée qui va ne faire que… monter jusqu’au sommet ! Alors on avoue ça monte très fort ! Il fait très chaud… on appuie fort sur les pédales. (Je bénis les pédales auto !) Le vent est là, de face bien évidemment, ça n’aurait pas été drôle ! Mais les paysages sont grandioses  (je comprends Antiochos d’avoir mis son tombeau là, malin le type !).

Pour ajouter quelques km et ainsi tenter d'avoir des pentes un peu moins rudes, on opte pour une autre route… échec… on tombe sur de la piste, ce qui nous rend la chose plus dure ! Moi qui au début du voyage culpabilisait de devoir un jour pousser mon vélo, je vous assure que je m’y suis mise sans aucun scrupule !

 

Avant la dernière montée finale de 2 km, on croise un berger qui nous dit « rampa rampa » (montée en turc). Au moins ça a le mérite d’être clair. De toute façon il n’y a pas l’ombre d’un doute, on aperçoit la route en devers sur la montagne, et effectivement, ça monte ! On se concentre sur les derniers coups de pédales et on arrive enfin au « presque sommet » c’est-à-dire au centre d’information de tourisme.  Pour monter au sommet et admirer la vue et les statues, il faut, soit y aller à pied, soit en petite navette (les vélos et voitures sont interdits).

Arrivée… 15h… heure d’un picnic tardif validé !

 

On ne peut pas monter au sommet à vélo, OK, mais hors de question de prendre la navette, on finira le tout à pied ! La vue au sommet est imprenable et panoramique sur toute la vallée. On admire le coucher du soleil qui rend le site encore plus grandiose et on enfile nos doudounes (le vent s’est encore intensifié).

On y retournera toujours en doudoune au petit matin, pour profiter du lever du soleil tout aussi majestueux !

 

Allez même si on a transpiré, mouillé nos tee-shirts, si j’ai râlé en poussant mon vélo, j’avoue… à froid, à 3 semaines de cette grimpette, oui je le referais (mais peut être sans sacoches quand même !)

 

 

Du Nemrut Dagi au Nemrut Gölu : découverte du « Kurdistan » turque

Après le Mont Nemrut notre objectif est Erzurum par le Lac de Van.

 

A peu de choses près :

« Olivier, tu sais qu’il y a un autre endroit qui s’appelle Nemrut ? c’est un lac volcanique avec un volcan du même nom ! »

« ça fait un détour ? »

« léger détour… c’est en montant à gauche, mais c’est JOLI ! »

« bon beh go ! »

 

Nous quittons le 1er Nemrut, le mont, avec toujours Monsieur le vent, en gore tex que nous enlevons rapidement en perdant de l’altitude. On redescend dans la vallée et nous retrouvons des cultures aux moindres recoins de terrains. Dur de trouver des endroits pour bivouaquer ! Il fait une chaleur horrible, la route ne nous séduit pas plus que ça alors nous nous avançons de Siverek à Diyarbakir en bus, ce qui nous fait éviter une journée et demi de vélo dans la fournaise sur une 2x2 voies en « plat montant » le long de champs de blé cramés… pas déplaisant !

 

Nous entrons doucement en pays kurde. Nous l’observons surtout aux pantalons très souvent portés par les hommes (long pantalon bouffant serré au niveau des chevilles) et en discutant avec les gens.

Le « çok güzel » est remplacé par le « gellek xwes… » (super, beau,…), on ne dit plus « tesekur » mais « spas » merci).

 

Si on avait suivi les recommandations du ministère des affaires étrangères ou écouté les médias, on aurait évité cette partie de la Turquie étiquetée plutôt comme « zone sensible »… quel erreur cela aurait été ! (d’un côté si on avait écouté « les autres », on ne serait pas partis faire un tour du monde et encore moins à vélo !).

 

Cette aventure en pays kurde jusqu’à Erzurum en passant par le lac de Nemrut, nous amène à Diyarbakir. Cette ville est située sur les rives du Tigre. On s’y pose 2 nuits et 3 jours. Encore en plein ramadan on y découvre la rupture du jeun le soir dans une ville animée : c’est l’effervescence, tout le monde est dans les startings blocks ! Impressionnant et grouillant d’animation ! Nous on se régale de spécialités turques ou kurdes.

 

De Diyarbakir on en profite pour faire un aller-retour en bus à Mardin. Une ville à la douceur apaisante quand on se rend compte du nombre de km qui la sépare de la Syrie (une 20 aine de km) où des affrontements ont lieu. Cette étape nous fait penser à un oasis : entourée de terre ocre et jaune (des champs de blés coupés ? du sable ?) la fraîcheur des ruelles étroites et ses maisons couleur de miel contrastent. On se faufile au milieu de ce dédale et on a juste à lever la tête pour admirer … il y a un nombre incalculable de pierres sculptées comme de la dentelle !

 

On reprend la route à vélo cette fois pour Hasankeyf. Ce village bâti le long du Tigre, composé d’habitants moitié arabes moitié kurdes, ne nous aura pas laissé indifférents. Et pour cause, il est voué à disparaître. Un barrage a été construit et va venir inonder le village. Même si ses monuments vont être en partie déplacés et la population relogée sur les hauteurs, la vieille âme du village va disparaître !

Il est de ce que j’aime découvrir en voyage : « des vieilles pierres », une âme, un dédale de petites ruelles, des grottes… Mais les travaux le long de ses rives ne trompent pas… on l’aura peut être vu pour la dernière fois !

 

Jusqu’au lac de van, on confirme l’hospitalité kurde (voir paragraphe suivant), des vallées brulantes de soleil on reprend de l’altitude où on respire un peu plus et on arrive un matin devant le lac de Van… « Depuis le temps que l’on en parlait, ça y est on y est ! ». On trouve même un panneau « Iran ». Ce lac nous fait penser à une mer tant qu’il est grand, on en aperçoit même pas le bout !

On opte pour une route qui nous semble moins fréquentée pour monter au lac Nemrut… et pour cause… c’est de la piste ! On monte dans la poussière, les cailloux, on pique-nique en route, on pousse un peu aussi (mais moins que pour l’autre Nemrut – le Mont), on admire le lac de Van de notre hauteur, on passe notre plus haut col (2400m et quelques selon mon compteur) et on arrive au Nemrut. Ce lac est le 2ème plus vaste lac volcanique au monde. Et c’est « Waouh ! ». On bivouaque à côté d’un plus petit et on ressort les polaires. On ne peut être mieux calé alors on se prend une matinée de repos. (Beh oui ça nous arrive parfois). La descente est grisante et nous fait replonger vers le lac de Van.

 

 

Dernière étape de notre périple turque, on met cap vers Erzurum pour récupérer notre visa iranien et un colis en poste restante.

Accueil et hospitalité kurdeS :

En plus des « Merhaba » (bonjour), des signes ou klaxons d’encouragements, des invitations au thé,… nous avons vécu de belles expériences qui nous ont touchés et émus… en voici quelques exemples parmi tant d’autres

 

Il est 13h, on est sur nos vélos et on a faim (léger pléonasme puisque à vélo on a tout le temps faim !), une dame nous arrête pour nous offrir des fraises, puis nous inviter à un puis deux puis trois thés, puis le repas du midi. On repartira de chez elle 3h plus tard avec de la confiture maison de fraise et une rose chacun.

 

Il est 16h30, on s’arrête dans une station-service pour remplir nos gourdes (je le répète : station-service turque = caravanasérail des temps modernes !). On en repartira le lendemain matin, après… xx thés, un restau offert, un selfie avec 3 policiers qui, curieux, s’arrêtent pour discuter, une nuit à côté de la station, un petit déjeuner et des bonbons !

 

On arrive dans un petit village et on cherche un petit magasin où acheter du pain et des légumes pour notre repas du soir. On demande à des jeunes devant le magasin. Ils nous répondent qu'il n'y a rien. Un garçon nous fait signe d'attendre et part en courant. Il revient avec un gros sac qu'il nous tend. Dedans il y a du pain et plein de concombres et tomates qu'il est allé chercher chez lui. On lui demande combien on lui doit. Il nous fait signe que non, c'est un cadeau.

 

On reprend nos vélos et traverse la rue. Un monsieur nous voit et nous appelle au loin pour prendre le thé. On accepte. Ils nous offriront xxx thés, des gâteaux spéciaux de fin de ramadan, et même un foulard pour moi.

 

Un soir, on s'arrête dans un parc pour poser la tente. Plein de familles picniquent. On a à peine le temps de poser les vélos qu'une famille nous invite déjà à partager leur picnic. On passera toute la soirée avec eux, à manger, rigoler, échanger...

 

Un midi on se met à l'ombre à côté d'une fontaine, pas trop loin d'une route pour manger. On nous offre du pain, des olives et du fromage.

 

Un autre soir on cherche un coin de bivouac pour poser la tente, il est assez tard. Alors qu'on traverse un village il commence à pleuvoir et y avoir beaucoup de vent et de l'orage au loin. On demande aux habitants où on peut poser la tente. On nous montre la cour de l'école. On commence à monter la tente, plusieurs personnes arrivent et toutes nous proposent de dormir chez eux.

On ira chez Ozal, Yunus et leur famille. Ils nous gâteront. On passera une soirée comme si on était dans notre famille.

 

A chaque fois on a été émus par autant de gentillesse. Cela nous a beaucoup touché alors que ces personnes ne nous connaissaient pas du tout. On a été vraiment impressionnés. On espère vraiment qu'on se souviendra de tous ces moments et qu'on gardera cet état d'esprit de partage et d'accueil quand on rentrera en France.

Après plus de 50 jours passés en Turquie, 2.375 km roulés sur ces contrées,  174h passés sur le vélo, grimpé 27.074 de D+ , bu xxxxxxx çai (à date du 25 juin 2018), nous nous préparons à la suite du voyage (Iran, Turkménistan, Ouzbékistan…), mais ce passage de frontière ne nous laissera pas indifférent. On en aura pris plein les jambes, les yeux et surtout le cœur !


Si vous voulez en voir plus, c'est par ici !!!

Bonus : Aventures en pays Kurde


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Commentaires: 6
  • #1

    Philippe (mardi, 26 juin 2018 15:44)

    Que d'efforts ! mais la récompense était belle.
    Bravo pour votre courage ; soyez heureux ; profitez !

  • #2

    La Clermontoise (mardi, 26 juin 2018 16:13)

    Vous êtes vraiment trop chauds!!!....Bon courage pour le prochain détour.gros bisous.

  • #3

    Jéjé (mardi, 26 juin 2018 22:40)

    Petit coup de cœur pour la vidéo!
    Au top, ça se professionnalise chez les rayonsmix! ;-)

  • #4

    Amandine (mardi, 26 juin 2018 23:10)

    Magnifique ce coucher puis lever de soleil (ça me rappelle le Piton des neiges), je suis subjuguée par la générosité du peuple turc et kurde ! Comme quoi c'est une belle aventure humaine aussi ! Les biquettes ���! J'ai hâte d'avoir votre retour sur l'Iran car j'aimerais bien y aller... (Sinon... Vous n'avez pas trop mal aux fesses lol)

  • #5

    Hélène (mercredi, 27 juin 2018 20:39)

    Génial je ne sais plus quoi dire c'est de plus en plus beau bon courage bisous

  • #6

    Solène (samedi, 14 juillet 2018 08:12)

    Merci pour l'article et merci pour cette superbe vidéo ! Vous nous faites voyager et rêver ! Continuez de profiter de cette magnifique aventure !