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Chili : entre lacs et volcans de l'Araucania


Ecrit par Emeline

Du  2  au  17 janvier 2020


La frontière Argentine Chili est facile à passer. 5ème passage de frontière, nous commençons à avoir l'habitude. Sourires des douaniers argentins puis chiliens, contrôle des sacoches aux rayons X au Chili (nous n'avons pas le droit de passer la frontière avec des produits frais).

 

Nous reprenons la piste jusqu'au lac Pirihueico. Nous sommes toujours dans la région des lacs, alors il est presque normal de commencer nos 1ers tours de roue chiliens par une traversée de lac !!

 

La région des lacs chilien

Nous arrivons 1 petite heure avant le départ du ferry pour la traversée du lac Pirihueico ce qui nous laisse le temps d'acheter les billets et de manger.  La traversée est superbe, le temps est avec nous : ciel bleu, soleil et températures estivales. Ça sent les vacances. Nous profitons de la traversée sur le pont du bateau à admirer le paysage : forêt, flanc de montagnes abruptes, petites plages de sable inaccessibles.

 Nous reprenons les vélos et empruntons une route asphaltée  et touristique mais ... avec une piste cyclable!

 

Une pause glace plus tard à Neltume, nous décidons de quitter la route principale appelée "route des 7 lacs" pour une piste (la T29) qui promet un peu plus de tranquillité et ... de poussière. Et c'est gagné, peu de monde et beaucoup de poussière! Il fait chaud, nous transpirons à grosses gouttes dans les montées et la poussière vient se coller à votre peau à chaque passage de voiture ... alors quand à une heure raisonnable pour poser le bivouac nous trouvons un petit sentier permettant d'accéder à une cascade, nous n'hésitons pas longtemps, c'est arrêt et bivouac ! Et une baignade rafraîchissante, une !!

 

Le lendemain notre piste nous fait prendre de la hauteur, toujours en poussière, et admirer le lac Pellaifa.  Nous retrouvons rapidement l'asphalte avec quelques belles portions de travaux et faisons la connaissance d'un cyclo allemand en sens inverse arrêté sur le bas-côté pour réparer son porte bagage arrière. De notre côté nous nous étions arrêté quelques mètres plus tôt pour une pause biscuit et une crevaison pour Olivier.

 

Alors que nous discutons avec ce cyclo et qu'Olivier lui donne quelques conseils mécaniques (comment sortir une vis cassée net dans un cadre de vélo? Facile : souder une pâte sur le pas de vis et puis dévisser! Testé et approuvé sur le cadre d'Olivier en Turquie et sur le mien en Iran), nous entendons un "pchiiiiiit" très net...nos vélos sont restés au soleil et une rustine vient de se décoller. Bref ça, passe ... sauf quant à tour de rôle 4 rustines se mettent à se décoller. Ça aura faut perdre les quelques cheveux qu'il restait à Olivier et sa patience.

 Passé cette petite séance de recollage de rustines, nous finissons par arriver à Conaripe pour une glace et quelques courses. Nous nous posons sur la plage pour un bivouac à quelques km de là au bord du lac Calafquen quasi les pieds dans l'eau.

 

Le lendemain c'est grisaille au réveil, moi qui pensais que l'été était définitivement arrivé, ça a l'air loupé.

 

La route jusqu'à Villarica n'est pas passionnante : un mélange de voitures, cabanas et restau touristiques. Ça a l'avantage de nous faire appuyer sur les pédales, musique dans les oreilles et d'arriver tôt en ville pour un picnic sur la plage du lac avec vue sur le volcan.

 Nous ne restons qu'une nuit à Villarica dans un petit camping (ici quasiment toutes les villes ont leur camping privé ou municipal.)

 

Nous repartons pour Melipeuco d'où nous souhaitons partir vers une trace "bikepacking". La route est peu intéressante plutôt de transition et la pluie fait son retour.

 

Entre volcans et montagnes de l'Araucania "the monkey puzzle trail"

J'ai trouvé cet itinéraire toujours sur le site "bikepacking.com".

 

Cet itinéraire de Melipeuco à Ralco promet une piste qui pénètre dans des vallées arborées et des forêts d'auracania (arbres emblématique de la région Auracania, ça ne s'invente pas !), une découverte du volcan Lonquimay et des pentes de lave et de sable noir, une traversée des villages isolés, ajoutées à celà, rivières claires, vue sur les montagnes ... le tableau semble parfait et séduisant !

233km en 4jours et 5000m de D+.

 

1 - Entre foret d'araucania et 1ere vue sur les volcans

Nous partons de Melipeuco après avoir laissé passer une averse. Le ciel est gris et les nuages bas sur les montagnes, la T° n'est pas bien haute aussi… et dire que nous sommes en été!

 

Nous quittons rapidement la route asphaltée pour emprunter une piste en terre qui pénètre dans la réserve "china muerta". La pluie de la veille l'a nettoyé de poussière! Nous roulons à travers une forêt de pins où nous apercevons de temps en temps des flancs de collines nettoyées (bois de chauffage ou tempête ?).

 

Les rayons de soleil viennent timidement percer sur la piste. Nous montons doucement mais sûrement. Nous sortons de la forêt et découvrons des collines dont les arbres sont pour la plupart déracinés ou noircis par le feu (incendie ou éruption volcanique?). Le ciel est toujours gris, le paysage est doux, les tons sont neutres ... nous avons l'impression d'avancer dans un endroit avec peu de vie. Le col est vite avalé (1300m). Nous changeons de décor, nous imaginons que les montagnes qui nous entourent derrière la brume et les nuages sont des volcans. La piste est grise, beige, ou de sable noir. La végétation est plus basse. Seuls quelques araucanias (cet arbre typique d'ici qui ressemblent à un sapin dont les branches moins nombreuses se dressent) restent. Parfois on voit des petites étendues d'herbes rases très vertes, une rivière coule au loin !

 

Nous nous arrêtons souvent pour prendre des photos et vidéos. C'est vraiment dingue! C'est la 1ère fois que je vois des paysages comme ça! Même l'Islande, où nous avions roulé l'été avant notre départ, pourtant volcanique est complètement différente.

 

Nous posons la tente tôt à côté d'une rivière, plutôt une bonne idée vu les quelques bonnes averses qui passeront dans la soirée !

 

2 - Le volcan Lonquimay

Le lendemain matin le soleil est de retour. La piste reprend entouré de paysages aux tons grisés. C'est tellement agréable de rouler ici : pas de cailloux, de gravier. La piste est souple et sans accro.

 

Hier nous avions ouvert et refermé une barrière pour rentrer dans cette zone. Ce matin nous retrouvons de nouveau cette barrière. Il est vrai que nous avons vu quelque troupeau de vaches et chevaux. Avant de sortir de cette zone, nous passons à côté de baraquements en ossature de bois et bâche. Ces baraquements sont habités. De l'autre côté de la barrière sont plantés de nombreux panneaux " terre mapuche en récupération ". (Les mapuches sont un groupe ethnique et un peuple autochtone du Chili et de l’Argentine).

 

Nous arrivons au village de Lonquimay en fin de matinée. Courses, picnic sur la place du village, wifi à la bibliothèque, et nous repartons à l'assaut du prochain (petit) col mais qui monte sacrément bien ! 

 

De nouveau l'asphalte laisse place aux graviers pas commodes dans une montée quelque peu ... mmh pentue! Ça tire sur les mollets, mais on reste sur les pédales à part un ou 2 virages mal gérés ou nous poussons les vélos sur 2/3m pour remettre pied à l'étrier ou plutôt à la pédale.

 

Nous montons à travers une forêt qui s'éclaircit à mesure de la montée. Une pause banane et eaux fraîche un peu avant le col sous des arbres et nous profitons de la descente en lacets avec des 1êres vue sur le volcan.

 

Dans la nouvelle vallée que nous découvrons, nous apercevons des spots bivouacs sous des arbres à côté de la rivière. Alors que je vais répéter l'endroit dans les vélos je tombe sur 2 cyclos chiliens, Esteban et Carolina. Ils habitent un peu plus loin et s'entraînent pour un voyage à vélo sur l'île de Chiloe. Alors on discute vélo et sacoches et on les coache lors du montage test de leur tente.

 

Le lendemain, nous attaquons l'ascension d'un nouveau col qui se niche dans les pentes du volcan Lonquimay. Le début est asphalté puis la piste revient : du sable noir tassé. La montée est en pente douce. Quelques traînées de neige restent sur le sommet du volcan. Autour de nous rien ne vit, tout est noir et gris. C'est impressionnant. On multiplie les arrêts photos et vidéos. Au col nous découvrons la vallée suivante plus verdoyante et un champ de lave...

 

La descente est vite avalée dans un décor apocalyptique : une piste étroite au milieu du champ de lave. Et peu à peu la nature reprend ses droits : eau, couleurs et végétation. Le soir nous poserons d'ailleurs la tente dans une forêt!

 

Le dénivelé devient différent, alors que les 1ers jours sont plutôt "ça monte bien puis ça descend bien" là, nous passons sur du fractionné "ça monte, ça descend, ça monte et ça descend et... ". Très courts mais très cassants. La chaleur est revenue, nous transpirons à grosse gouttes. Heureusement que nous croisons régulièrement des cours d'eau : remplissage de courses et technique du tee shirt mouillé ...qui sèche en 5 min ...

 

3 - En avant, poussons gaiement où la joie du "hike à bike"

Après quelques belles montées et descente abruptes, j'aborde le dernier col assez sereine. Nous évoluons dans un paysage maintenant alpin, de montagnes, forêts, rivières et troupeaux. La piste change aussi, elle devient plus accidentée et recommandée que pour un véhicule 4x4. 4 km de montée et 500 de D+ nous attendent.

 

J'ai en tête qu'il va sûrement falloir pousser les derniers km. Et effectivement ... la piste se charge de gros cailloux, de poussière, et (allez savoir pourquoi) de beaux trous / tranchée au milieu. J'essaie de rester au max en selle, quitte à faire des pauses régulièrement. Je préfère cette technique à celle de pousser physiquement plus éreintante pour moi. J'y arrive tant bien que mal, ou mal que bien. Olivier est devant. De toute façon quand ça monte, il est toujours devant. J'ai beau appuyer sur les pédales, serrer les dents. Sur des km je n'arrive pas à le suivre.

 

Au fond de moi je pense que "si Olivier y arrive, alors je DOIS y arriver". J'accepte souvent difficilement le fait de ne pas y arriver physiquement. Nous avons tous des convictions ancrées au fond de nous débiles ou du moins dépourvues de logique. Celle-là en fait sûrement partie. En tout cas je n'accepte pas de me sentier inférieur sportivement. 

Tout comme le fait qu'Olivier gentiment me propose de m'aider à porter mon vélo si je dois le pousser et que je semble fatiguée. Je le remballe "C'est mon vélo, donc c'est à moi de le pousser. Si j'ai besoin je te le demanderai". 

 

Inévitablement me voilà à pousser mon vélo. Dans la chaleur, la poussière, à glisser dans les cailloux... Je serre les dents "mais pourquoi je n'arrive pas rouler ?". Olivier plusieurs mètres devant pousse aussi. Il est plus facile malgré tout... je rumine, je suis vexée contre moi même. La montée m'épuise... 2km à rouler / stopper / repartir / rouler / stopper... et les 2 derniers à pousser. Pas de vue, nous montons dans la forêt.

L'arrivée au col est presque une victoire,... amère...

 

 

Je me réjouis de la descente. En descente je reprends le dessus, c'est moi qui suis devant, j'aime la vitesse, piste ou asphalte, j'aime cette sensation grisante... Sauf que la descente est aussi un enfer...pente d'enfer et cailloux... même mon vélo ne m'aide plus. Je n'ai pas assez de force dans les mains pour freiner sur les cocottes il faudrait que je me mette en bout de cintre ce qui me ferai me pencher, trop pour moi. Bref quand ça veut pas... beh ça veut pas !

 

Nous quittons la piste pour emprunter un chemin qui tient plus du chemin de Rando et essayer accéder à la passerelle piétonne du rio BioBio. Mais avant, une belle descente en mode "hike a bike". Résignée, ou raisonnable je ne cherche même pas à rouler, là je reconnais, ça ne passe vraiment pas ...

 

Nous arrivons à Chequenco où nous rêvons d'un coca frais. En rêve ... Nous sommes dimanche et tout est fermé...quand je vous disais que quand ça veut pas, ...ça veut pas! Nous nous posons à l'arrache en contre bas d'un pont au moins nous avons la rivière pour nous dépoussiérer!

 

Le lendemain c'est montagne russe au programme. Nous nous arrêtons à mi chemin de Ralco dans un petit camping qui surplombe le rio BioBio et ... avec piscine thermale!! A Ralco nous ne faisons qu'un passage éclair tout comme Santa Barbara. Prochain objectif : l'Argentine via le Paso Pichachen.

 

À l'assaut du "Paso Pichachen" et de la laguna Laja

Les 2 jours de route qui suivent sont reposants. Plat et asphaltée. On récupère.  Nous roulons en direction du parc national de la "laguna Laja", lagune volcan Antuco.

 

La chaleur est bien installée maintenant. Nous trouvons encore facilement de l'eau en journée ce qui ne nous oblige pas à transporter beaucoup d'eau.  A l'entrée du parc les gardes ne nous font pas payer l'entrée car nous traversons juste le parc pour nous rendre en Argentine. Ils nous remplissent nos gourdes d'eau fraîche.

 

Une 1ère belle montée et nous arrivons sur la lagune Laja et le volcan Antuco. La route est un cimetière à ciel ouvert. Des mieux de mémoires sont érigés le long de la route en hommage aux soldats chiliens morts en exercice en 2005 dans une tempête de neige.

 

Les paysages sont encore incroyables : le volcan Antuco, la lagune Laja d'une 40aine de km, des pentes de sable noire, des rochers volcaniques, la Sierra Veluda et son glacier. Nous posons la tente dans ce décor surprenant à côté de la lagune abrité du vent par un rocher volcanique. Le col Pichachen nous attend demain.

 


Le lendemain l'avancée jusqu'au col se fait dans un décor toujours surréaliste. La montée est douce et la piste agréable à rouler.

 

Nous arrivons vers midi au poste frontière chilien une petite 15aine de km avant le col. Nous profitons de l'ombre pour picniquer. Les douaniers nous proposent de prendre une douche et de charger nos téléphones.

 

Nous reprenons la piste vers le col sûrement trop tôt en rapport avec la chaleur. 7km de faux plat montant et 7km de belle montée. La piste est parfois un peu sablonneuse mais nous montons doucement avec des pauses régulières. Quelques petits ruisseaux nous permettent de nous rafraîchir. La vallée de la laguna Laja s'étale à nos pieds. Peu de voiture, si nous en croisons 2 dans l'après-midi c'est un grand max!

 

Et puis enfin au détour d'un virage nous l'apercevons : le Paso Pichachen, 2060m. Notre 1er vrai (petit) col andin! Olivier, sans surprise devant, m'attend pour que nous arrivions ensemble au col (toujours). Même si la douane argentine est encore à quelques km nous sommes physiquement en Argentine ... 

 

Il ne nous reste plus qu'à trouver un lieu de bivouac si possible avec rivière. Tant qu'à faire ! Vœux exaucé quelques km plus bas : bivouac les pieds dans l'eau !

 


Pour en voir plus c'est par là...


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Commentaires: 1
  • #1

    Amandine (mercredi, 05 février 2020 12:18)

    C'est fou le paysage volcanique ! S'il n'y avait pas le ciel bleu, on a l'impression d'une photo en noir est blanc entre le noir du sable (lave ?) et la neige !
    Émeline tu me fais trop rire avec ton esprit de compétition lol ! Eh ! C'est ouf votre parcours en vélo et le nombre de km de dénivelé que je ne calcule même plus ! Soit fière de toi, arrêtes de te mettre la pression !!!! Enjoy la vue (ou pas, ça dépend des jours, c'est la nature qui choisit, c'est aussi ce qui fait la beauté du voyage : la partie due au hasard)